Par Jean-Marie Luttringer, juriste-consultant expert en droit et politiques de formation.
Par Centre Inffo – Le 25 février 2022.
Le champ des possibles ouvert par le compte personnel de formation est loin d’avoir été exploré. A y regarder de près, un trésor est caché dedans !
Aussi bien le bilan quantitatif établi par la CDC (38 millions de comptes ouverts, 2 millions de formations financées), que l’évaluation qualitative conduite par les partenaires sociaux et le Parlement, invitent à l’approfondissement de la réflexion sur les potentialités du CPF autour de trois principes qui sont à son fondement : celui de la formation « tout au long de la vie, celui d’égal accès à l’éducation et à la formation, celui du droit au travail et à l’emploi garanti par l’accès à la formation considérée comme investissement immatériel.
L’équilibre des temps sociaux
Notre vie sociale suit le rythme d’une valse à trois temps : le temps de l’éducation, le temps de travail, le temps de la retraite. L’irruption dans la sphère du droit social du concept de « compte » : le compte personnel de formation, le compte pénibilité, le compte engagement citoyen, le compte épargne temps, le compte personnel d’activité offre des perspectives inédites à ce jour de décloisonnement de ces trois temps qui rythment une vie. À titre d’illustration l’élargissement des critères d’accès au compte pénibilité et de son affectation à la formation pourrait permettre à la personne enfermée dans un emploi pénible peu qualifié, qui en a le souhaitent, de changer de métier grâce à une formation longue de reconversion bénéficiant de la garantie de revenus de remplacement. L’usage d’un compte épargne temps généralisé permettrait à la personne, quel que soit son niveau de qualification, si elle le souhaite de changer de métier, à son initiative au cours de sa vie professionnelle. La valorisation du compte engagement citoyen permettrait d’acquérir et de développer des compétences utiles au travail salarié mais également à l’activité bénévole au cours de la vie professionnelle ou pendant la retraite.
L’égalité d’accès à l’éducation et à la formation tout au long de la vie
L’effectivité de ce principe relève pour l’essentiel de la responsabilité des pouvoirs publics. Grâce à la technique de l’abondement l’État et/ou les régions ont la faculté de doter les personnes peu, ou faiblement qualifiées à l’issue de la formation initiale d’abondements au CPF d’un montant qui permettrait non seulement de favoriser l’insertion professionnelle par l’accès à un premier niveau de qualification, mais qui autoriserait, pour les personnes qui le souhaitent la reprise d’études de longue durée. À titre d’illustration les membres du cabinet de Muriel Pénicaud en charge de la réforme de 2018, réunis au sein de la société de conseil Quintet formulent plusieurs propositions qui méritent examen et notamment doter le CPF des jeunes qui ne poursuivent leurs études après le bac de 8000 €. Ils proposent également de rendre gratuit, à tout âge de la vie, la formation aux compétences de base (lecture, écriture, rédaction, calcul, numérique. Un document de travail publié en 2021 par l’institut Jacques Delors rappelle que ce dernier avait proposé d’instituer au bénéfice de chaque jeune à la sortie de la scolarité obligatoire un capital temps d’une ou plusieurs années lui permettant la reprise d’études au cours de sa vie professionnelle. Le CPF, au fur et à mesure de son appropriation culturelle, pourrait bien devenir grâce à la technique de l’abondement le support juridique de la vision de l’éducation permanente appelée de ses vœux par Jacques Delors.
Investissement immatériel et co-investissement
Il appartient à l’entreprise de définir avec chaque salarié le niveau de l’investissement formation nécessaire au maintien de sa capacité à occuper un emploi et au développement de ses compétences. La procédure de l’entretien professionnel tous les deux ans, du bilan de parcours tous les six ans, dans toutes les entreprises quelques soit leur taille et au bénéfice de tous les salariés permettra de prendre les bonnes décisions dans ce domaine.
Là encore la technique de l’abondement combinée avec celle du co investissement, garanti par un avenant au contrat de travail, permettront de répondre à l’objectif de retour d’investissement aussi bien pour l’employeur en termes de compétitivité que pour le salarié en termes d’évolution professionnelle et salariale. La possibilité d’un crédit d’impôt accordé à l’entreprise devra être conditionnée mobilisation du CPF par le salarié être proportionné en fonction de l’abondement apporté par l’entreprise et garanti par un avenant au contrat de travail.
Quelques propositions pour assurer « le bel avenir du CPF »
4 instituer un crédit d’impôt pour encourager le développement des abondements « de co investissement/formation » par les entreprises et par les salariés.
3e édition du Baromètre de la formation et de l’emploi 2022 (Centre Inffo / CSA)
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