Le conseil d'administration de France compétences, l'instance de régulation du secteur, a voté un budget 2022 dans le rouge à hauteur de 3,7 milliards, conséquence de l'engouement pour l'apprentissage et le compte personnel de formation. Financer la réforme de 2018 constituera l'une des priorités du prochain ministre du Travail.
Par Alain Ruello
Et 780 millions de plus ! Réuni le 25 novembre, le conseil d'administration de France compétences, l'instance de régulation des fonds de la formation professionnelle et de l'apprentissage, a voté un budget 2022 qui renvoie les décisions difficiles à l'après-2022. Mi-octobre, une première ébauche tablait sur un peu moins de 3 milliards de déficit. La résolution adoptée par les administrateurs il y a une semaine charge la barque de 780 millions supplémentaires. Soit un trou attendu à hauteur de 3,75 milliards, contre 3,4 milliards cette année, obligeant l'Etat à faire un chèque de 2,7 milliards pour passer l'hiver !
Instaurée par la réforme de 2018, France compétences est administrée par l'Etat qui en a le contrôle, les partenaires sociaux et les régions. Sa principale fonction consiste à répartir les fonds de la formation dits mutualisés, c'est-à-dire assis sur la cotisation des entreprises sur leur masse salariale, entre plusieurs dispositifs.
L'aggravation des comptes entre la copie initiale et le budget voté s'explique d'abord par une hypothèse de recettes 2022 inférieures d'une cinquantaine de millions, à 9,58 milliards. Ce manque à gagner tient à la nouvelle prévision de la direction du Trésor sur la masse salariale, dont la progression a été ramenée de 7 % à 6,1 %, peut-on lire dans un document auquel « Les Echos » ont eu accès.
Côté dépenses, les administrateurs ont voté une rallonge de 40 millions du Compte personnel de transition professionnelle qui finance des reconversions individuelles longues. Ce dispositif sera doté de 500 millions. C'est un minimum : s'il n'est pas prévu de reconduction de l'enveloppe exceptionnelle du plan de relance – 100 millions fléchés sur des métiers en tension sur souscrits trois fois ! – l'Etat rajoutera au pot via les crédits publics du FNE formation.
Assurés également du soutien du FNE pour la formation dans les entreprises de moins de 50 salariés , les administrateurs ont pu se contenter d'inscrire pour 2022 le même montant qu'en 2021 sur cette ligne, soit 540 millions, l'enveloppe risquant très probablement d'être insuffisante.
Pour le compte personnel de formation en revanche, France compétences ne peut compter qu'avec ses ressources, sachant que l'engouement des Français pour le dispositif est tel que toute prévision relève du pari.
Cette année, la Caisse des dépôts (qui gère le CPF) estime que les engagements devraient « atterrir » autour de 2,6 milliards pour un budget initial de 1,4 milliard seulement. En 2022, France compétences a prévu la même somme : l'engouement restera fort mais le resserrement des formations et des prestataires éligibles est censé limiter l'envolée des dépenses.
Finalement, ce sont les dépenses prévues pour l'alternance, contrats d'apprentissage ou de professionnalisation, qui expliquent la très grosse part – près de 660 millions – du dérapage. Au total, les administrateurs ont retenu près de 7,9 milliards pour cette section l'an prochain, en ayant conscience de l'incertitude qui entoure ce chiffre.
#apprentissage : déjà plus de 560.000 contrats signés cette année (Borne, Centre Inffo, 50 ans loi Delors)
D'un côté, la dynamique de la réforme de 2018 se poursuit. De l'autre les aides à l'embauche doivent s'éteindre (en principe) le 30 juin. L'un dans l'autre, le budget table sur le même nombre de contrats d'alternance signés en 2022 qu'en 2021. Soit au moins 560.000 si l'on en croit le chiffre à date dévoilé par la ministre du Travail du Travail, Elisabeth Borne, lors d'un colloque organisé par Centre Inffo pour les 50 ans de la loi Delors.
Les administrateurs devront replancher sur le sujet l'année prochaine puisque les barèmes de prise en charge des frais de formation, appelés aussi « coûts contrats », vont être revus . Ce processus conduira à l'adoption d'un budget rectificatif à mi-année.
« Le financement de l'apprentissage constitue un chantier prioritaire », a convenu Elisabeth Borne ce mercredi, en conclusion de son intervention lors du congrès annuel de la Fédération nationale des directeurs de CFA, la Fnadir. Au-delà des questions de gros sous, la dynamique interroge « sur la juste place de l'apprentissage dans notre système de formation », a-t-elle ajouté.
La ministre du Travail ne s'est pas étendue mais on peut y voir le sous-entendu suivant : compte tenu de son succès, il ne serait pas illogique que cette voie de formation initiale, qui progresse fortement dans le supérieur et ne régresse plus dans les niveaux autour du bac, soit financée par l'Education nationale aussi et non pas par les seules entreprises. Ce sera assurément un des chantiers du prochain gouvernement.
Le succès du CPF ne se dément pas
Alain Ruello
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2 décembre, 2021 0 Comments 1 category
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