Apprentissage : la France est-elle désormais au niveau ? – La Croix

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Avec 718 000 contrats signés en 2021, l’apprentissage confirme son succès. Le ministère du travail se félicite qu’il se soit beaucoup développé dans l’enseignement supérieur : les apprentis à bac + 2, + 3 ou + 5 représentent désormais 62 % des contrats signés (39 % en 2018). La France reste toutefois loin derrière l’Allemagne et son 1,3 million d’apprentis.
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Apprentissage : la France est-elle désormais au niveau ?
Un formateur en pâtisserie, à Dunkerque, en janvier 2022 (photo d’illustration).
Marc Demeure/PHOTOPQR/VOIX DU NORD/MAXPPP
Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO) chargé de l’emploi et de la formation professionnelle
La forte dynamique de l’apprentissage s’explique en partie par son faible coût pour les employeurs. Aujourd’hui, un apprenti ne coûte que 182 € par mois à son patron : c’est presque gratuit, alors que, au bout de six mois, il est déjà bien formé et presque aussi productif qu’un ouvrier qualifié. Tant qu’il y aura ces aides mises en place par le gouvernement (qui vont de 5 000 € à 8 000 € par jeune embauché, NDLR), les entreprises seront enclines à embaucher des apprentis. Mais on peut légitimement se poser la question de ce qui se passera quand elles vont s’arrêter.
→ RELIRE. Un plan de relance massif pour l’apprentissage
Il faut bien avoir à l’esprit queces aidescoûtent cher. L’enveloppe de l’apprentissage pèse sur France compétences (l’organisme qui finance la formation professionnelle, cogéré par l’État, les régions et les partenaires sociaux, NDLR), qui a affiché en 2020 un déficit de 4,6 milliards d’euros.
Il ne faudrait pas que le financement de l’apprentissage obère la formation professionnelle continue des salariés. C’est pourquoi FO appelle à un financement pérenne de l’apprentissage, soit par une contribution des entreprises, soit directement par l’État auprès des centres de formation. Car la question se pose : l’apprentissage relève-t-il de la formation professionnelle ou de la formation initiale, compétence de l’État ?
Dans le supérieur, selon ce que nous disent les syndicats étudiants avec lesquels nous travaillons, le développement de l’apprentissage est aussi dû au coût des études et à la précarisation des étudiants. Plutôt que d’aller travailler chez McDo de 20 heures à minuit, beaucoup préfèrent choisir l’alternance, qui garantit une rémunération et permet de mettre déjà un pied dans l’entreprise. C’est très bien, mais il faut veiller à ce que cette évolution ne se fasse pas au détriment des bourses ou des moyens de l’université.
Si dans beaucoup de secteurs, comme les métiers de bouche ou la soudure – où on a longtemps fermé des classes entières dans les centres de formation –, il est très facile de trouver un patron pour l’apprentissage, il faut reconnaître que tous les jeunes ne pourront pas y accéder. Il faut donc veiller à conserver une filière lycéenne professionnelle (bac pro, BTS) de qualité.
→ ENTRETIEN. Faut-il encourager son enfant à s’engager dans une formation en apprentissage ?
Reste qu’un véritable changement d’état d’esprit sur l’apprentissage s’est produit : ce n’est plus la voie de garage où l’on envoyait les « mauvais en classe », ceux que l’on n’arrivait pas amener jusqu’au bac. Avec 80 % d’embauche à la sortie, c’est même aujourd’hui un moyen d’accès privilégié à l’emploi dès la fin des études. Y compris dans l’enseignement supérieur, où des métiers qu’on n’imaginait pas, comme les avocats, sont désormais accessibles par cette voie.
Yves Ruellan, Président de Renasup, organisme national de l’enseignement catholique chargé du supérieur
Parfois victime d’une mauvaise image, l’apprentissage a longtemps stagné au sein de l’enseignement catholique. Mais la donne a complètement changé avec la loi Pénicaud de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Désormais, plus besoin de l’aval de la région pour ouvrir un centre de formation des apprentis (CFA) ni une unité de formation des apprentis, en lien avec un CFA existant. On a gagné en souplesse. On peut même mixer les publics au sein d’une même classe et proposer des cours théoriques en commun à des élèves sous statut scolaire et sous statut d’apprentissage.
Résultat : dans l’enseignement catholique, comme un peu partout ailleurs, l’offre a explosé. Des branches en tension et des responsables de bassins d’emploi confrontés à une pénurie de main-d’œuvre viennent nous solliciter. Nous proposerons par exemple à la rentrée prochaine une vingtaine de formations de bachelor (bac + 3) en apprentissage, en partenariat avec l’Ordre des experts-comptables.
Le réseau Renasup voit ses effectifs d’apprentis nettement augmenter. En STS (1), nous avons perdu cette année 3 000 élèves sous statut scolaire mais gagné 4 500 élèves sous statut d’apprenti (sur un total de 19 000). Le nombre d’élèves optant pour l’apprentissage – cette autre modalité de la formation initiale – grimpe également de 1 500 dans nos bachelors et de 500 dans nos diplômes à bac + 5, par exemple dans la sécurité informatique. Aujourd’hui, 30 % des élèves accueillis dans nos 520 pôles d’enseignement supérieur au sein de lycées catholiques sont des apprentis.
L’apprentissage est devenu véritablement attractif, surtout dans le supérieur. Les attentes des jeunes y rencontrent de manière spectaculaire celles des entreprises, dont les coûts de formation sont peu ou prou couverts par les aides de l’État et qui voient d’un bon œil l’arrivée d’élèves déjà dotés de compétences.
→ REPORTAGE. Apprentissage : à bord du bus qui part à la rencontre les jeunes
Pour l’enseignement catholique, l’apprentissage constitue un facteur de démocratisation. Il nous permet ainsi d’accueillir des élèves qui, s’ils étaient sous statut scolaire, n’auraient pas les moyens de payer certains de nos bachelors 4 500 € par an et qui, avec ce dispositif, n’ont rien à débourser. J’ai en tête une formation que nous avons failli fermer, à Strasbourg, l’été dernier : elle ne comptait qu’un élève, sous statut scolaire. Quand nous avons ouvert la possibilité de la suivre en tant qu’apprenti, fin août, nous avons immédiatement inscrit douze autres jeunes.
Cette petite révolution nous amène aussi à nous interroger sur ce qu’est un jeune avec un statut de salarié dans un établissement scolaire, sur ce que les formateurs apportent à notre projet et sur la manière dont on continue à porter les valeurs auprès de ce nouveau public.

(1) Sections de techniciens supérieurs, qui débouchent sur l’obtention d’un BTS.
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