Comment réformer la formation professionnelle – L'Opinion

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Antoine Foucher et Alain Druelles, deux des créateurs du cabinet de conseil stratégique Quintet, publient une étude comportant douze propositions ordonnées autour de trois objectifs pour améliorer les compétences en France sur une durée de dix ans.
Le mot « compétences » est devenu le sésame de quiconque vise la croissance, le plein-emploi ou la souveraineté. Il donne une touche de modernité à une question classique, celle de la formation professionnelle, et à un problème chronique : l’adéquation entre les besoins des entreprises et les qualifications disponibles. Antoine Foucher et Alain Durelles sont bien placés pour en parler : au sein du cabinet de Muriel Pénicaud, ministre du Travail de 2017 à 2020, ils ont œuvré pour la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018. A leur départ du ministère, ils créent, avec quelques autres, Quintet, cabinet de conseil en stratégie sociale. Et scrutent toujours les faiblesses de notre système de formation initiale et professionnelle, en publiant une étude sur ce que devrait être une politique de compétences pour les dix prochaines années.
« Il s’agit de lutter contre le phénomène de la grande démission qui commence à arriver en France, de répondre à la fois au besoin de sens et aux besoins du pays », souligne Antoine Foucher, pour justifier ce travail qui se fixe trois objectifs. D’abord, fournir aux entreprises les personnes qualifiées dont les secteurs stratégiques ont besoin. Ceux de la transition énergétique, en particulier. La principale difficulté consiste, après avoir identifié les secteurs clés (nucléaire, batteries, hydrogène, etc.), à anticiper les compétences nécessaires et organiser leur production en amont. Même si les besoins sur le marché du travail ne sont pas encore massifs. Les auteurs de l’étude veulent miser sur trois leviers : l’information (avec une plateforme indiquant les offres d’emploi par métier et les certifications pour y parvenir) ; l’argent ( le compte personnel de formation, CPF, serait abondé pour les actifs qui engagent une reconversion d’intérêt général) ; et du temps ( avec la mise en place d’un compte épargne temps, notamment abondé par des congés, des RTT).
Sérum de vérité. Ensuite, aider les jeunes et les demandeurs d’emploi à choisir leur formation en connaissance de cause. Ils surlignent une question sensible du débat public français : le refus de l’« adéquationnisme » ou cette résistance du monde de l’éducation à s’adapter au marché, et le désir légitime de suivre un projet ou une formation, qui ne correspond pas forcément à la réalité du marché du travail. Leur réponse ? L’orientation, en injectant un sérum de vérité aux familles et aux jeunes : il faut dire la vérité sur les taux d’insertion dans l’emploi, de réussite à l’examen et de poursuite d’études de tous les lycées professionnels et CFA (centres de formation d’apprentis de France), pour chaque diplôme préparé, en publiant ces taux sur Parcoursup et Affelnet. Et fermer les classes de lycée professionnel ou supprimer les financements des sections de CFA qui présentent, deux années consécutives, un taux d’insertion dans l’emploi inférieur à 50%.
Enfin, troisième axe, comment concilier choix individuels et réalité du marché ? Antoine Foucher et Alain Druelles dénoncent une hypocrisie source de nombreuses frustrations. Aujourd’hui, plus de 80% d’une génération obtient son baccalauréat, et plus de 60% se lance dans des études supérieures. Pourtant, le marché du travail est constitué à plus de 50% par des emplois de niveau ouvrier et employé. Autrement dit, l’éducation prépare environ quatre jeunes sur cinq à occuper un emploi intermédiaire ou de cadre. A ce niveau-là, le marché du travail n’a d’emplois à offrir qu’à un jeune sur deux. Le décalage se résorbe soit par le déclassement, soit par le chômage. Dommage collatéral : les emplois non qualifiés restent non pourvus.
Etapes. Mais comment persuader des jeunes, bercés par la musique « diplôme = emploi de qualité », d’y renoncer ? Solution proposée : une forte dotation du CPF pourrait permettre à ceux qui ne poursuivent pas leurs études au-delà du bac de reprendre leur formation au cours de leur carrière. Ces jeunes accepteraient _ peut-être_ d’entrer plus vite sur le marché du travail en occupant des emplois non qualifiés, à condition d’en sortir plus tard par l’amélioration de leurs compétences par la formation.
Vu le profil des auteurs, la question fuse : pourquoi n’avoir pas mis en place ces mesures du temps où ils étaient aux manettes de l’exécutif ? « Il était impossible de tout faire en même temps, répond Antoine Foucher, l’apprentissage était la priorité de 2017. C’est une réforme qui n’était pas évidente, demandait beaucoup d’énergie pour réviser le système entier, convaincre les régions de renoncer à leurs prérogatives. Même raisonnement pour le CPF, face à des chefs d’entreprise qui n’étaient pas persuadés que l’argent de la formation pouvait être librement utilisé par leurs salariés, sans passer par la DRH. Il fallait procéder étape par étape, sinon il serait impossible d’aller plus loin aujourd’hui. » Une manière de dire aux candidats qu’ils peuvent puiser dans ce programme.

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