Depuis près de deux semaines, la Guadeloupe est traversée par un climat quasi insurrectionnel. A l’origine de la colère de cette jeunesse en première ligne , plus de dix ans après 2009, la cause est identique : le chômage de masse et le manque de perspectives.
Ella Dall’erta
samedi 27 novembre
Crédits : Cedrick ISHAM CALVADOS / AFP
Depuis près de deux semaines, la Guadeloupe est traversée par des mobilisations aux allures de révolte associant blocages et grèves. Partie notamment du secteur hospitalier et des pompiers, la mobilisation s’est étendue au corps enseignants, aux travailleurs des stations-services, de l’hôtellerie et de la restauration et semble monter en pression.
Comme l’expliquait Pablo Morao dans nos colonnes « Lancée le 15 novembre, jour de la mise en œuvre des sanctions contre les soignants et pompiers non-vaccinés, à l’appel du LKP, la mobilisation est partie de l’opposition à l’autoritarisme sanitaire pour déborder rapidement ces enjeux. Dans un territoire structurellement dominé par l’Etat français, le rejet de l’obligation vaccinale a catalysé la colère d’une partie de la population, qui subit le chômage qui s’élevait à 17% sur l’île en 2020 et la misère avec un tiers de la population sous le seuil de pauvreté. En ce sens, le mouvement en Guadeloupe rappelle, malgré des différences, la grève générale qui avait secoué la Guadeloupe et l’ensemble des Antilles en 2009. Les revendications principales de cette grève étaient alors une baisse des prix jugés abusifs de certains produits de base, comme le carburant et l’alimentation, ainsi qu’une demande de revalorisation des bas salaires ».
En ce sens comme le note pour le Figaro Olivier Sudrire, maitre de conférence à l’université Paris Saclay :« Certains jeunes disent se foutre du vaccin et être simplement intéressés pour un travail. C’est un ras-le-bol de la jeunesse, au-delà des problèmes sanitaires. De nombreux jeunes sont inemployables, souvent éjectés dès l’âge de 16 ans du système éducatif. Aujourd’hui, ils n’ont pas de formation professionnelle. On constate un déterminisme social écrasant ».
Pour cause, le chômage est particulièrement massif pour la jeunesse guadeloupéenne. Selon l’INSEE en 2020 : » Le taux de chômage en Guadeloupe (17 %) [était] plus élevé qu’en Martinique (12 %). Il [était] similaire à ceux de la Guyane (16 %) et de La Réunion (17 %) mais [restait] plus de deux fois supérieur à celui de la France métropolitaine (8 %). »
En réalité, seulement une personne sur deux de 15 à 64 ans vivant en Guadeloupe est active. L’INSEE précise « En effet, pour être considéré comme chômeur au sens du Bureau International du Travail (BIT), il faut être sans emploi et avoir effectué une démarche active de recherche d’emploi au cours des quatre dernières semaines – ou avoir trouvé un emploi qui commence dans les trois mois – et se déclarer disponible dans les deux semaines pour occuper un emploi ». En faits près de 52,7 % des moins de 25 ans étaient sans emploi en 2020.
Autre indicateur de la détresse de la jeunesse guadeloupéenne, face au manque de perspectives de très nombreux jeunes Guadeloupéens quittent l’archipel pour commencer ou continuer leurs études ou encore pour trouver un emploi. Selon l’INSEE à nouveau, 50 950 Guadeloupéens âgés de 15 à 29 ans étaient concernés en 2016. Plus de la moitié d’entre eux ont entre 18 et 24 ans.
Et la dynamique tend à s’approfondir, selon l’Insee toujours, les moins de 25 ans représenteraient 29% de la population en 2020, dix ans plus tôt le chiffre s’élevait à 35%. Comme l’expliquait le syndicaliste Elie Domota dans un interview pour l’Humanité :« Notre jeunesse est sans débouché professionnel gratifiant et se trouve contrainte à l’exil en France ou dans d’autres pays développés ». Un exil qui trouve sa source explique-t-il dans un « système économique colonial où tout est importé ou délocalisé ».
Comment s’étonner dans ce contexte que la colère éclate et que de très nombreux jeunes se retrouvent en première ligne des manifestations et barrages alors que la jeunesse guadeloupéenne ne trouve ni emploi ni formation.
Le chômage massif et l’exil des jeunes sont la conséquence plus qu’ailleurs du mépris colonial de l’Etat Français. Ce qui est considéré comme le minimum en métropole, ne l’est même pas en Guadeloupe. Ce vendredi, le ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, promettait 1000 emplois aidés pour la jeunesse de l’archipel : à peine une mesure cosmétique.
C’est donc face à ce mépris du gouvernement et sa gestion coloniale que des revendications se font entendre jour après jour en Guadeloupe. Nous apportons tout notre soutien aux luttes des travailleurs et de la jeunesse guadeloupéenne contre les forces de répression coloniales de l’Etat français et revendiquons à leurs côtés un plan massif d’embauche des jeunes ainsi qu’une augmentation substantielle des salaires et des minimas sociaux.
Mots-clés
Révoltes / Guadeloupe / Jeunesse / Chômage / Politique
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27 novembre, 2021 0 Comments 1 category
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