Une nouvelle formation continue sera dispensée en 2022 par l’École nationale de police aux patrouilleurs déjà en service. Intitulée « Réponse en état mental perturbé (REMP) », elle se veut une réponse aux décès de personnes en crise abattues par les policiers et propose une véritable réforme du modèle opérationnel d’intervention policière. Cette initiative de la Sûreté du Québec est désormais obligatoire pour tous les membres du corps policier.
Une nouvelle formation continue sera dispensée en 2022 par l’École nationale de police aux patrouilleurs déjà en service. Intitulée « Réponse en état mental perturbé (REMP) », elle se veut une réponse aux décès de personnes en crise abattues par les policiers et propose une véritable réforme du modèle opérationnel d’intervention policière. Cette initiative de la Sûreté du Québec est désormais obligatoire pour tous les membres du corps policier.
La Sûreté du Québec a mandaté Dominique Éthier et Nicolas Jobin, deux moniteurs en emploi de la force chevronnés, pour mettre sur pied une formation spécialisée qui amènerait à faire diminuer le nombre de décès lors d’interventions policières, particulièrement auprès de personnes en crise.
« Le point de rupture dans notre cas, ça a été qu’il y a eu 13 enquêtes menées par le BEI chez nous [à la SQ] depuis 2016 », explique Nicolas Jobin, qui a entamé, il y a deux ans, un véritable travail d’introspection sur les interventions policières en recensant quelles étaient les lacunes menant à des situations dramatiques. Les deux hommes se sont ainsi lancés dans un travail de recherche et d’analyse d’études, de rapports du coroner et de formations déjà en place en matière de désescalade.
De leur réflexion est né il y a quelques mois un nouveau modèle opérationnel d’intervention policière qui constitue un véritable changement de culture : dès les premières secondes de l’intervention, il est désormais question de mieux planifier pour éviter la confrontation physique et gagner du temps. Dominique Éthier précise que « la [REMP] développe la capacité à travailler efficacement sous l’effet d’un stress intense. En accord avec les principales recommandations du coroner Luc Malouin, les policiers doivent agir différemment, calmement et en gagnant du temps, en établissant un contact », précise-t-il.
« Jusqu’ici, selon le modèle national d’emploi de la force, la personne devant nous devait collaborer à la demande du policier. Maintenant, on fait l’inverse : c’est au policier de s’adapter à l’intervention à laquelle il fait face », ajoute quant à lui l’agent Jobin.
En analysant le modèle d’emploi de la force, les agents Éthier et Jobin se sont rendu compte qu’une évaluation adéquate de la situation par les policiers est bien souvent ce qui a fait défaut dans les interventions lors desquelles un civil a perdu la vie.
« Le facteur déterminant était la gestion du stress et le contrôle de soi. Il fallait trouver une manière d’aider le policier à rester alerte tout en conservant sa capacité d’analyse. On a trouvé une solution. On appelle ça le ROOT : “Respiration, Observation, Obstacle/barricade et Temps de distance” », explique Dominique Éthier. L’instructeur Jobin parle quant à lui d’inversion de la notion du temps. « Avant, plus on était rapides, plus on avait l’impression qu’on prenait le contrôle de la situation. Mais maintenant, on se rend compte que plus le temps est en notre faveur, plus on est capables d’intervenir comme il faut. La crise a un temps, elle ne peut pas durer », indique-t-il, tout en étant conscient que ce changement de cap peut être difficile à intégrer pour certains policiers d’expérience.
« Ça fait dix ans que je répète à mes policiers : “des ordres clairs, logiques et répétés au besoin” ou encore “Terrain acquis, terrain gagné”. Là, on arrive avec un discours totalement différent. La société a évolué, notre clientèle a changé. On doit s’adapter. Sinon, on va avoir des problèmes », précise l’agent Jobin. « On veut sauver des vies, sauver des carrières », lance-t-il.
Pour les deux instructeurs, il était primordial de transformer la manière de penser l’intervention policière avec des cas de santé mentale des patrouilleurs de première ligne puisque les premières secondes d’intervention sont déterminantes selon eux. « C’est en première ligne qu’il faut transformer la manière de penser l’intervention policière. Avec des personnes à l’état mental perturbé, ça se joue dans les premières secondes où l’on arrive, selon la manière dont on planifie pour éviter la confrontation physique et gagner du temps. La confrontation dès le début de l’intervention faisait en sorte que même une personne spécialisée en intervention de crise ne pouvait pas venir faire son travail adéquatement », indique l’instructeur Éthier, tout en rappelant que le mandat des policiers est avant tout de sécuriser les lieux.
Formation continue obligatoire ?
La formation REMP est constituée d’une portion en ligne puis de deux jours de cours pratiques. La SQ a rendu la formation REMP obligatoire pour tous ses policiers et espère avoir formé tous ses effectifs d’ici les prochaines années. « On a formé presque l’ensemble des instructeurs en emploi de la force de la SQ. Ça se met en branle présentement. Il y a des postes formés au complet et d’autres qui sont en train de le faire », précise Dominique Éthier, qui met un point d’honneur à former également les gestionnaires et les directeurs « pour qu’ils aient la même manière d’intervenir ».
La SQ et l’École nationale de police du Québec (ENPQ) sont sur le point de signer l’entente qui permettra aux policiers de tous les corps policiers du Québec de suivre cette formation sur le campus de Nicolet. D’autres corps policiers pourraient ainsi emboîter le pas s’ils le désirent.
La responsable des communications de l’ENPQ, Véronique Brunet, rappelle que « la formation continue obligatoire est une recommandation du Comité consultatif sur la réalité policière », dont le rapport a été rendu l’an dernier. « Mais c’est la prérogative du ministère de la Sécurité publique d’instaurer ou non cette nouvelle exigence », indique-t-elle.
Le ministère de la Sécurité publique du Québec n’a pas répondu à nos demandes d’entrevues.
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