Discours du Premier ministre Jean Castex – Inauguration de l'Institut national du service public – Gouvernement.fr

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Madame la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques,
Madame la ministre déléguée chargée de l’insertion,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus locaux, nombreux, que je salue,
Mesdames et messieurs les directeurs, directeurs d’administrations centrales, Madame la préfète de région,
Mesdames et messieurs les responsables de toutes les écoles et organismes de formation que nous avons conviés ce matin,
Mesdames et messieurs les élèves de la promotion en cours,
C’est un jour, je le dis important, très symbolique. Il symboliser une réforme à laquelle, évidemment, le Président de la République, comme moi même, comme la ministre, sommes extrêmement attachés. Une réforme qui, je le crois, est extrêmement importante pour notre pays, pour le service public et pour l’État.
Ce n’est pas une des réformes ni les plus connues, ni forcément les plus populaires. On voit qu’elle peut, c’est bien légitime, susciter des réactions, des interrogations, des inquiétudes. C’est sans doute le propre de toute réforme.
D’ailleurs, je pense qu’ici, dans cette maison, on enseigne la réforme, l’art et la manière de la conduire. Vaste question mais parmi tous les sujets qui sont à l’ordre du jour comme on dit de l’action gouvernementale, même si la gestion de la crise sanitaire a malheureusement pour vocation de les éclipser, il y a des réformes que nous conduisons, et celle-là, est extrêmement importante.
Alors, je voudrais d’abord, m’adressant aux élèves, de l’ENA devenu INSP, leur dire vraiment, la conviction qui est la mienne qu’ils ont fait le bon choix, ou qu’ils l’ont confirmé pour celle et ceux d’entre eux qui étaient déjà fonctionnaires. Le bon choix d’avoir choisi le service de l’Etat. Je le dis évidemment dans un moment très particulier. Je l’aurais toujours dit puisque je l’ai toujours pensé, mais je le dis à un moment où l’Etat réaffirme, renouvelle son rôle au service de la nation, puisant dans des racines historiques que vous savez très profondes.
On ne va pas remonter jusqu’à Louis XI, mais cela démontre en tout cas que dans la construction de notre pays, la France, que dans un cadre profondément renouvelé – bien sûr que la République s’est décentralisée et c’est très heureux – l’Etat, nous le savons toutes et tous a une place particulière. La conjoncture présente le réaffirme avec une grande force et tout l’enjeu est de savoir concilier cette réalité historique et sociologique avec les nécessités du temps présent, car évidemment, l’État de 2022 n’est pas l’Etat de Louis XI, ni celui de la Troisième République, ni sans doute celui de 1958, et même pas évidemment celui de 1945, lorsque l’ENA a été créée.
Nous devons nous adapter pour mieux nous ressourcer, pour mieux réaffirmer le rôle et l’importance et la conviction que nous en avons du rôle de l’Etat. Ce rôle, je le dis, vous le voyez dans la crise sanitaire, dans la crise économique et sociale qui résulte de cette crise sanitaire, il apparaît tout à fait essentiel et je suis preneur avec beaucoup de sérénité le moment venu d’un benchmark international sur les modes de gestion de crise dans tous les pays comparables. Je vous le dis, j’attends le moment venu cette comparaison sans appréhension, aucune. Car elle démontrera – non pas que le Gouvernement de la République, j’espère un peu – mais que l’Etat, c’est beaucoup plus profond que cela, par son organisation, par ses modalités d’intervention qui ont bien sûr été, comme on dit, challengés, interpelés, non seulement il a fait face, mais il a su s’adapter.
Donc oui, mesdemoiselles, mesdames, messieurs, très bon choix que celui d’avoir voulu plus que jamais encore servir l’Etat. Servir l’intérêt général qui évidemment, dont évidemment l’Etat n’est plus le seul dépositaire. Il y a d’autres collectivités. Nous sommes ici à Strasbourg. Comment ne pas mentionner l’Europe, d’où la nécessité, de fluidité des parcours, de possibilité de va-et-vient, d’interpénétration des expériences. Tous sujets, vous les savez, qui sont au cœur de la réforme qu’avec Amélie de MONTCHALIN nous conduisons.
Je m’exprime, vous y avez fait allusion Madame la directrice, avec l’expérience qui est la mienne de ces sujets. Je représente aujourd’hui devant vous, le Premier ministre qui est constitutionnellement le chef de l’administration de l’État. L’employeur, c’est-à-dire s’agissant des cadres supérieurs de la haute fonction publique, comme on dit, celui qui est responsable des affectations, des modalités de recrutement, d’abord de formation ensuite. Et l’affectation en fin de gestion de toute la carrière. Bon, avec finalement un enjeu simple qui s’applique à tout employeur : affecter les bonnes ressources aux bons endroits, c’est-à-dire aux missions prioritaires du pays, de la nation, de l’État. Comment être heureux dans ce métier de haut fonctionnaire, à titre personnel et institutionnel ? Comment faire une carrière, comme on dit, où on se sent utile, reconnu, motivé. C’est tout le sujet, je le disais devant un certain nombre de vos camarades à l’instant. Comment finalement, vieux débat, rencontrer les intérêts de l’État, celui dont les organes démocratiquement et constitutionnellement désignés fixent les priorités de la nation, et les acteurs dont le rôle est irremplaçable, qui doivent veiller à leur mise en œuvre opérationnelle au quotidien. Et de ce point de vue-là, j’ai commencé depuis longtemps à dresser un diagnostic qui, je le dis tout de suite, présente des éléments très positifs, mais appelle de larges pistes d’amélioration.
Je le dis tout de suite, rien chez moi ne me détermine à vous expliquer que nous allons faire une révolution, que rien ne marchait dans le dispositif antérieur et que ce que nous envisageons permettra d’atteindre le nirvana. Ce n’est certainement pas comme ça que marche la vie, ça n’a jamais marché comme ça. Pour autant, oui, cet équilibre que j’indique à l’instant n’est pas parfaitement atteint. Je vais en donner de très nombreuses illustrations. Et avec ce regard qui est le mien, avec celui de la ministre qui, elle, n’est pas issue du sérail, n’est pas issue de la fonction publique, ce complément nous permet effectivement de dresser ces pistes d’amélioration qui sont au cœur de ce qui est, je le répète, sans doute, la plus importante réforme de l’encadrement supérieur de l’État depuis une des réformes clés, mère, celle de 1945. Je vous le répète, loin de vouloir contester, abattre, nous allons au contraire lui donner de nouvelles lettres de noblesse.
C’est vrai, je veux dire très simplement d’abord notre haute fonction publique, reste insuffisamment représentative de la nation française. Je ne vais pas, rassurez-vous, ça en étonnerait plus d’un, invoquer Monsieur BOURDIEU. Mais il n’empêche qu’aujourd’hui, 20 % des classes sociales les plus favorisées fournissent 70 % des cadres de la haute fonction publique.
Il n’y a pas de fatalité, nous devons améliorer ça. La fonction publique en général, haute ou pas haute, civil ou militaire. Je cite les militaires, voyant des militaires dans cette salle, car ils nous ont, de ce point de vue-là, montré le chemin. La diversité y est beaucoup, beaucoup plus à l’œuvre : sociale, géographique, professionnelle, nous devons impérativement nous améliorer là-dessus.
Il n’y a encore que 30 % de femmes qui réussissent le concours externe de l’ENA : pas tout à fait représentatif de la société française non plus ! Nous sommes au cœur de l’Etat, l’Etat représente la nation : la fonction publique supérieure comme on dit ici doit mieux représenter le pays dans sa diversité qui est une force. Il faut le dire clairement surtout par les temps qui courent. C’est une force donc il faut, là aussi, que la volonté politique, je vais y revenir, s’exprime en adoptant des outils très clairs pour faire évoluer la situation. J’ai parlé tout à l’heure des affectations de nos cadres supérieurs de l’Etat. Là non plus ce n’est pas satisfaisant. J’ai cité souvent ces données mais je veux les répéter ce matin devant nous : sur 90 postes de sortie, 37 dans des corps d’inspection ou de contrôle ou de juridiction. Si je compte bien ça fait 41 %. Que ce soit écrit au procès-verbal : je n’ai strictement rien contre les corps d’inspection et de contrôle qui sont parfaitement utiles à la nation. Indispensables même. Mais il se trouve, je viens d’évoquer la crise, qu’une école du service public, il faut d’abord qu’elle pourvoie des emplois opérationnels d’administration. On dit « active » – ce n’est pas un mot très heureux parce que le reste n’est pas inactif. Mais là aussi, il n’y a pas adéquation aux priorités.
Je passe sur le fait qui pourrait nous occuper longtemps de savoir s’il est vraiment judicieux qu’à 25 ans, on aille contrôler ou juger les autres avant d’avoir soi-même un peu tenu le manche. Bon, en tout cas, ça aussi, nous allons le changer, je vais y revenir. Autres données chiffrées que j’indiquais tout à l’heure, bien connues. Où avez-vous vu qu’une entreprise collective comme l’est le service public a 88 % de ces agents qui ne sont pas des cadres supérieurs dans les territoires, le reste étant à Paris et ou, à l’inverse, pour les cadres supérieurs, là, c’est 90 % qui sont à Paris. A l’époque où la France était très centralisée, pourquoi pas, mais je le disais tout à l’heure : ce n’est pas parce qu’on a besoin d’Etat, qu’on n’a pas besoin aussi des territoires. La rencontre de tout ça, ça s’appelle la décentralisation d’une part, la déconcentration d’autre part. Mais il faut que cela se retrouve aussi, ne croyez-vous pas, dans l’affectation de nos hauts fonctionnaires ? C’est une nécessité impérieuse. C’est ce que prévoit la réforme.
Que nous disent les carrières ? Il y a de belles carrières, pas de doute, mais ne peut-on pas améliorer les choses ? Ces carrières commencent comme telles aujourd’hui, réglées et organisées essentiellement par des règles statutaires et des règles indemnitaires. C’est un maquis de situations qui empêche la fluidité, l’interministérialité qui, je le rappelle, est au cœur du projet de Michel Debré en 1945. Le régime indemnitaire est très disparate. Déjà, ça empêche les mobilités, mais là où alors le serpent se mord la queue ou l’absurdité atteint son comble, c’est que les régimes indemnitaires les plus défavorables sont en règle générale situés dans les ministères portant les politiques publiques prioritaires. Il y a quelque chose qui ne va pas, c’est le simple bon sens. Donc ça aussi, ça aussi Mesdames et Messieurs, nous devons le corriger.
Le système est inégalitaire. Il est marqué aussi par quelques chasses gardées, quelques corps qui ont des accès plus privilégiés que d’autres aux fonctions d’encadrement. Il faut le faire évoluer. Ce n’est pas facile parce que, évidemment, cela rouscaille un peu… C’est normal. Mais cette interministérialité, cette fluidité des parcours, elle est nécessaire pour l’Etat employeur, elle est indispensable pour ceux qui ont choisi de le servir. Nous devons l’améliorer. Et je veux esquisser des pistes de progrès. La ministre le sait, je salue les écoles qui concourent au tronc commun qui sont ici, mais il faut, me semble-t-il, aller au-delà.
Nous avons entendu, parce qu’elle est située à Strasbourg, des élèves de l’INET ce matin, les administrateurs territoriaux. J’ai dit comment est la France aujourd’hui, décentralisée, déconcentrée. Oui, il faut qu’il y ait de plus en plus de va-et-vient. Les hauts fonctionnaires issus de l’INSP doivent pouvoir aller apporter leurs services et leurs talents dans des collectivités territoriales. Et les cadres supérieurs des collectivités territoriales, par l’expérience qu’ils ont accumulée, doivent pouvoir venir dans l’Etat. Ce n’est pas que ça n’existe pas aujourd’hui, mais cela résulte de parcours individuels. Cela n’est pas organisé, comme on dit, par la puissance publique. Et si ça n’est pas organisé par la puissance publique, ça pourrait signifier que celle-ci n’en a pas saisi tout l’intérêt. Alors, oui il faut le faire, mais le problème c’est que ces parcours individuels, ils restent extrêmement contrariés. Vous savez, pour un administrateur territorial, il vient dans l’Etat, combien en ai-je connu, pour revenir parce que voilà le but c’est les allers-retours aussi. Alors là, c’est la croix et la bannière. Tout cela est trop segmenté, chacun est dans son couloir de nage.
Nous avons une GRH qui n’est pas individualisée ou en tout cas très insuffisamment et qui, encore une fois, ne correspond plus à ce qu’est la France d’aujourd’hui et les nécessités du pays d’aujourd’hui.
Cela marche quand même, Mesdames et messieurs, je l’ai dit, ça marche quand même. Nous sommes fiers de ce qui se passe et, je l’ai déjà dit, de notre gestion en général. Mais il faut que nous soyons aussi lucides et qu’avec détermination nous conduisions les réformes indispensables. Il faut, Madame la ministre, pardon, ne jamais parler de soi-même. Mais je voudrais quand même juste pour ces jeunes élèves à l’INSP et les autres, partir de mon premier poste dans un grand corps de l’Etat. Je m’étais dit “Tiens, je suis très intéressé par le secteur social et je voudrais aller sur le terrain”. C’est quand même plutôt louable comme intention, Madame la préfète, vous confirmez. A l’époque – ça n’existe plus – il y avait les DDASS, Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, qui géraient dans l’État les questions on va dire hospitalières, médico-sociales et puis le social. Des postes intéressants. On aurait même pu trouver que c’était osé qu’à 29 ou 30 ans, j’aille gérer un service de 140 personnes. Venant de la Cour des comptes, on m’a dit « aller dans une DDASS ? vous êtes fou… Allez dans la préfectorale, ça c’est plus noble ! ». On a besoin d’anciens élèves de l’INSP dans tous les services déconcentrés, à l’ADEME, bien sûr qu’on en a besoin. Bien sûr qu’il faut décloisonner tout ça, faire respirer tout ça. Mais pour aller une DDASS, j’ai attendre un an. On a fini par me donner l’autorisation. On a dit « le pauvre type il est perdu pour cause ». Et attendez, ce n’est pas fini : j’arrive, je suis nommé. Quel bonheur ! Enfin, je vais travailler dans le secteur social et sanitaire. Je vais m’exercer, m’essayer au management. Pas un mois que je suis là, je vois ma secrétaire entrer dans le bureau : « Qu’est-ce qui se passe ? Le syndicat des inspecteurs des Affaires Sanitaires et Sociales fait un recours contre votre nomination. Pourquoi ? Vous ne remplissez pas les règles statutaires pour être nommé ? ». Vérification faite, c’était vrai. On en sourit. À l’époque, ça ne m’a pas fait rire du tout. Parce que j’avais sympathisé avec eux et expliqué que je ferais mes meilleurs efforts, ils ont retiré leur recours. Bon, après, je m’en vais poursuivre dans la préfectorale. Vous voyez quand même je reviens à la raison, Josiane. J’exerce ce très beau métier de secrétaire général de préfecture. Alors là, ça se passe très bien. Puis, il y a un préfet que j’avais eu justement dans mon post précédent qui me dit “Tiens – cela faisait deux ans que j’étais là – vous pourriez devenir SGAR ». Vous reconnaissez tout ça, c’était le secrétaire général pour les affaires régionales. Alors moi, je lui dis « C’est génial. J’ai fait deux postes départementaux, maintenant je vais à l’échelon régional ». « Monsieur enfin, d’abord, on ne passe pas de secrétaire général à préfecture de Vaucluse ». « Ce gars mais il vient d’où ? Ça ne va pas, vous avez très bien travaillé, mais vous n’avez pas l’ancienneté requise. Et deuxièmement, attendez, vous ne venez pas du ministère de l’Intérieur et dans les SGAR il y a un quota réservé au ministère de l’Intérieur ! Et ça tombe mal, le poste auquel vous aspirez se trouve dans ce quota. Circulez, il n’y a rien à voir ». Pardon, j’évoque des souvenirs personnels, mais je crains qu’ils ne me soient point spécifiques, et tout cela, vous le voyez, confine à l’absurde. Personne ne pourra dire ici, surtout aujourd’hui, que je suis devenu Premier ministre, qu’on ne peut pas changer ça. Personne ne peut me dire que c’est conforme à l’intérêt général. Ce n’est pas vrai. Et Dieu sait si l’État a évolué depuis.
Donc, c’est un vaste chantier, je le répète, de décloisonnement, d’amélioration de la situation qui est devant nous, qui est à portée de main et que nous avons, à la demande du Président de la République, engagé. Il s’agit de nous adapter. Quelqu’un très fin me faisait observer ce matin que l’adaptabilité du service public faisait partie de ses vertus cardinales. Une autre personne, au moins autant éclairée, est allée rechercher le discours de Michel DEBRÉ lors de la présentation de l’ordonnance de 1945 créant l’École nationale d’administration. « L’administration, disait-il, est, dans toute société, une institution fondamentale ». Vous voyez que je m’inscris dans la continuité. Comme toute institution, elle a besoin de règles. En même temps, elle doit être lentement, ça il a été entendu, mais continuellement adaptée à l’évolution des choses. Nous devons, c’est l’honneur du service public, nous adapter à l’évolution des choses et c’est ce que nous faisons.
Quelles sont ces évolutions ? Pour les résumer, évidemment cela commence par le recrutement, la formation. Prenons les choses dans l’ordre. Nous avons fait une mini révolution. J’ai parlé tout à l’heure de la diversité. Ces préparations, ces parcours Talents, on s’est entretenu avec certains qui l’ont suivi ou qui sont en train de le faire ce matin. Je trouve que c’est une évolution, restons raisonnable, tout à fait significative.
Le fait de réserver 15 % des places aux concours externes à des élèves issus de ces classes préparatoires, c’est quelque chose qui est absolument novateur, qui va dans le bon sens. J’insiste beaucoup, je le dis devant ceux qui n’auraient pas suivi ça dans le détail : ils passent les mêmes épreuves. Les talents et les mérites, comme le dit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sont évidemment des valeurs essentielles pour entrer dans le service public. Mais, mais on essaie de rattraper un certain nombre de handicaps qui font que mis bout-à-bout, notre haute fonction publique, je l’ai dit, n’est pas suffisamment représentative. Voilà. Il y a eu quand même sur les 6 postes, 177 candidats au concours dernier, c’est très bien. On va accroître de 1 000 places les préparations à cette filière, si je puis dire, répartis désormais sur 74 établissements de préparation, et je pense qu’il faut continuer. De la même façon que nous devons encore, chère Amélie, et tu le fais, accroître la part des boursiers dans les aides. Nous sommes, si les informations qui m’ont été communiquées sont exactes, à 37 % aujourd’hui dans l’actuelle promotion. C’est bien, je pense que nous pouvons encore aller au-delà. Comme je me réjouis de cette voie réservée aux docteurs. Comme évidemment, c’est pour moi l’occasion de dire le rôle essentiel du concours interne. Ce n’est pas tout à fait nouveau, mais puisqu’on est en phase de réforme, bien réaffirmer notre volonté de le conforter. Le troisième concours dont nous avons vu de magnifiques exemples ce matin.
Pour le recrutement, vous avez madame la directrice, la voie qui est tracée avec la ministre, nous connaissons nos objectifs. Comme toute réforme, je suis venu ici pour vous en donner le sens, les objectifs.
Sur la scolarité elle-même, je ne peux m’étendre très longuement, j’ai déjà parlé du tronc commun. Je voudrais peut-être insister sur 3 points. Patrick GÉRARD auquel je rends hommage, avait déjà fait évoluer les choses, je le dis ici. On peut discuter des heures et des heures sur les épreuves au concours, qu’est-ce qu’il faut, qu’est-ce qu’il ne faut pas, qu’est-ce qu’il faut enlever ? Il y a des travaux plus savants que moi qui se sont prononcés sur ce sujet. Moi, je voudrais dire 3 points essentiels vu de ma fenêtre. Le premier, sans doute, c’est que dans le contenu de ces formations, il faut faire un poil reculer la prédominance du droit et de l’économie au profit du management, des sciences humaines et sociales, de la psychologie. On vient de sortir d’une crise sanitaire. Moi, ça fait quelques mois, voyez-vous que je m’en occupe. Depuis que je suis Premier ministre, bien sûr. Mais avant, mon prédécesseur m’avait confié une mission sur le déconfinement. Je suis donc sur le pont depuis début avril 2020 sur ce sujet. Ce que vous devez d’abord gérer, c’est la psychologie de la nation, l’acceptabilité. A-t-on dans l’État des ressources pour apprécier ces leviers de l’action publique ? Ces ressorts on en a, oui un peu. En tout cas, à côté des bataillons de gens qui sont spécialisés en droit. Bon, donc, ce n’est pas encore une fois pour jeter la pierre, mais vous voyez, on a compris qu’il faut donner toute leur place à ces disciplines.
Ce n’est pas simplement une question académique, c’est encore une fois le service public, et il est au service de la nation. La nation, c’est quoi ? Quelles sont ses ressorts, quels sont ses déterminants ? On doit s’adapter à cela. Je dis toujours gérer une crise, c’est la gérer du mieux possible. On s’y emploie. Mais c’est le plus vite possible, tirer tous les enseignements structurels que cette crise appelle. Là, il y en a un pour nous ici, pour le sujet qui nous réunit ce matin. Donc des contenus de formation. Alors il y en a un qui est génial, il ne faut surtout pas changer, je vous en ai d’ailleurs fait l’apologie des stages, de la formation professionnelle. La formation, voilà, si je fais le parallèle avec la politique que nous menons, c’est le succès phénoménal de la politique d’apprentissage et de l’alternance. On en aura fait plus de 700 000 cette année, record inédit. C’est une forme de formation en alternance que d’envoyer sur le terrain les élèves de l’INSP.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, évidemment, ça c’est nouveau, c’est la formation continue. Je vous le disais tout à l’heure, vous avez devant vous – pardon, je reviens sur moi, c’est mal – une personne qui avant d’être Premier ministre, n’a jamais eu un cours de formation continue. Et cela fait hélas des années et des années que j’ai quitté cette maison parce qu’elle n’était même pas encore ici ! C’est dire si je suis vieux. Alors, c’est mal, parce que si j’avais voulu faire de la formation continue, je l’aurais pu. Mais là aussi, il faut que les acteurs évoluent dans un système et il faut aussi que le système sache ce qu’il veut. Qui peut dire, avec l’évolution du monde, qu’on n’a pas besoin de faire de la formation continue ? Et ça, il faut que ce défi de la formation continue généralisée soit au cœur de l’INSP, beaucoup plus qu’elle ne l’était à l’ENA. Parce qu’on n’avait pas demandé à l’ENA de le faire. Ce n’était pas la faute de l’ENA. Et le troisième sujet, sans doute, c’est vrai, c’est la dimension internationale et européenne. Je n’oublie pas, je le répète que je suis ici à Strasbourg. Là aussi, je crois que c’est une question d’adaptation au monde qui nous entoure. Je pense que les choses seront simples, car pour le coup, il y avait de belles choses qui se faisaient jusqu’ici, mais je vous invite, je dis cela puisque à l’issue de cette cérémonie, je vais vous remettre, madame la directrice, votre lettre de mission sur cette dimension de votre action. J’en viens aux affectations, deuxième sujet. Bon, là aussi, vous le savez, c’est clair.
Alors, j’ai compris que cela suscite quelques inquiétudes, que la ministre doit lever au plus vite avec la directrice, de la phase intermédiaire qui concerne la promotion à laquelle je m’adresse. Mais bon à l’échéance de la suivante, voilà, nous avons mis un terme à la sortie directe dans les grands corps de l’Etat. Cela n’a pas été très très simple, mais cela a été fait. C’est une volonté forte du Président de la République, surtout, vous le savez, les 40 % que j’évoquais tout à l’heure, là désormais, quasi 100 % des élèves se verront proposer des postes sur des fonctions opérationnelles de gestion dont un tiers, peut-être pas assez, mais c’est déjà pas mal, dans des services territoriaux et déconcentrés. Là aussi, le cap est clair et j’ajoute, il est cohérent, j’en dis un mot quand même ici, sur ce que j’ai appelé dans ma déclaration de politique générale en juillet 2020 le réarmement de l’Etat territorial. Mine de rien, quand même, je le dis, l’Etat territorial, en l’espèce, c’est essentiellement l’État départemental.
C’est bien ce que nous dit cette crise : on a besoin de proximité. On a tellement besoin de proximité que depuis 2010, en 10 ans, les effectifs de l’Etat territorial, ont diminué de près de 35 % en 10 ans. Une saignée. J’ai arrêté cela. J’ai regardé les chiffres, ça baisse encore un peu en 2021. En 22, ça repart. C’est symbolique à la hausse. Evidemment que ce soit clair, comme on a un schéma d’emploi constant, cela se fait au détriment des administrations centrales et de l’échelon régional. On a besoin de proximité. Il faut réarmer. J’ai signé d’importantes circulaires sur la déconcentration des ressources humaines et des crédits. C’était à l’issue du CITP que nous avons conduit ensemble, madame la ministre, pour donner davantage de marge de manœuvre. La loi 3DS qui est en cours d’examen, qui sera examinée lundi par la commission mixte paritaire, va renforcer le rôle des préfets comme délégués territoriaux de toute une série d’agences. Au moins deux très importantes. Il faut sans doute aller au-delà.
Dans la gestion de la crise sanitaire, je le dis, ce n’était pas une marque du tout de désaveu à l’égard des ARS mais à la faveur de la généralisation de la vaccination, j’ai réintroduit le corps préfectoral en pilotage départemental d’une stratégie sanitaire. On prépare tout, ça marche bien parce que nous avons à faire à des gens engagés, dévoués et intelligents. Mais j’ai parfaitement conscience en disant cela que nous devons améliorer la fluidité, la lisibilité de la représentation de l’État au niveau territorial en même temps que nous devons lui redonner des moyens. Et lui redonner des moyens, c’est aussi envoyer des cadres supérieurs plus nombreux dans tout l’État territorial y compris dans la préfectorale certes, mais aussi dans les services déconcentrés. Je l’ai dit, voilà, dans les DREAL, dans les DDT, là aussi, je veux dire, de la même façon que nous avons besoin d’ingénieurs dans les services généralistes, ces services dits spécialisés ont aussi besoin d’une approche plus transversale, plus généraliste. On a besoin d’une vision transversale. C’est une approche politique au sens englobant du terme. Vous voyez, derrière des aspects très techniques de notre réforme, il y a aussi cette finalité que je vous invite à partager avec moi.
Mesdames et Messieurs, on nous a dit : « tout ça, ça fait énormément de réformes ». Ce n’est pas fini. Je veux vous en dire d’autres, mais puisque je suis à l’ONSP, j’ai quand même regardé comme le lait sur le feu le nombre de candidates et candidats qui se sont inscrits au dernier concours, c’est-à-dire postérieure aux annonces de la réforme. J’ai constaté qu’il était en augmentation. Pour ceux qui seraient des tenants de l’élitisme, le taux de sélectivité, tout concours confondu est très élevé. Il était au dernier concours, si les chiffres qu’on m’a donnés sont exacts, de 7,8 %, alors qu’ils étaient, par exemple, de 8,5 % en 2011. Donc, il n’y a pas un effondrement, bien au contraire, de l’attractivité de l’ENA devenue INSP. Et j’espère bien qu’avec tout ce que nous allons mettre en œuvre, cette attractivité va même s’accroître parce que c’est, Mesdames et Messieurs, la finalité. Oui, bien sûr qu’il nous faut des talents partout en France, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Mais le chef d’administration de l’Etat ne peut pas avoir d’autre objectif que d’essayer d’attirer les meilleurs talents issus de toutes les origines au service de l’Etat et en particulier de la haute fonction publique. Ce que je viens de vous expliquer sur les objectifs, madame la directrice, de cette réforme de l’INSP, concerne évidemment le reste de la gestion des cadres supérieurs de l’Etat. Vous en êtes ici une des pierres angulaires, mais la réforme, vous le savez, va bien au-delà, en particulier avec cette création effective depuis le 1er janvier dernier, du corps des administrateurs de l’Etat qui se substitue, vous le savez, au 16 corps que nous avons en parallèle supprimer. Je veux dire le dire un peu de façon provocatrice : certains corps, comment dire, qui portent des appréciations sur l’action de l’Etat, passent leur temps à nous dire qu’il faut supprimer des corps, sauf quand ça s’applique à eux-mêmes.
il y a une volonté de fluidifier et le pendant de ça, c’est le régime indemnitaire que j’évoquais tout à l’heure. C’est bien l’objectif d’interministérialité que nous poursuivons. Là-dessus, madame la ministre, vient nous le confirmer. Nous allons commencer là maintenant, dès la paie de février, les administrateurs de l’Etat, du ministère de l’Éducation nationale ou du ministère des Affaires sociales et je cite ces exemples tout à fait par hasard, seront revalorisées respectivement quand même de, si on veut être précis, 5 513 euros et 3 240 pour les remettre à niveau. Vous avez des vocations pour aller travailler dans ces secteurs. Votre employeur vous dit : ce sont des secteurs prioritaires de l’action publique, il n’est pas question que des obstacles statutaires ou indemnitaires vous conduisent à y renoncer. C’est ça le message. Il est clair et nous ne varierons pas. De la même façon puisque je parle de l’interministérialité, tout dans cette réforme valorise la mobilité, valorise les expériences de terrain, nous instaurons le principe de mobilité obligatoire préalable à des changements de grade, c’est extrêmement important y compris dans les corps d’inspection et de contrôle, je l’ai dit. Voilà ! Même dans les chambres régionales, dans les tribunaux administratifs, à la Cour des comptes, au Conseiller d’Etat. Pourquoi ? Là aussi parce que cela relève d’une vision de l’Etat. Nous avons une juridiction spécialisée pour juger l’État, créée à la Révolution française. Pourquoi ? Parce qu’il faut un juge d’intérêt général sinon on donnerait tout au juge judiciaire. L’intérêt général, ça existe il a son juge et quelle est la spécificité ou la particularité de ce juge ? Bah c’est qu’il doit connaître justement les contingences mais aussi la grandeur de l’intérêt général qui ne sont pas complètement solubles avec les intérêts particuliers qu’une juridiction de droit commun est par ailleurs chargée de surveiller et de protéger. Et pour connaître l’intérêt général, il faut aller un peu se confronter à la réalité du terrain, aux exigences de la gestion. Il ne faut pas le connaître que de façon théorique. Vous avez choisi de vous engager. C’est le fil conducteur de tout ça pour vous engager, et surtout à un moment où le pays a besoin de vous, il faut mettre les mains le plus possible au charbon et dans le cambouis.
C’est indispensable et il faut donc en tout cas en tout cas à tout le moins, que ceux qui font le choix de le faire le puissent et soient valorisés et encouragés. Ah oui ! Plus vous aurez fait des carrières alternées, plus vous aurez pris de l’audace, des risques, mieux votre promotion devra être assurée. Pas simple à faire, mais en tout cas, tel est clairement le sens des textes que nous prenons et que nous allons continuer à adopter. Nous voulons une gestion plus individualisée. L’un d’entre vous, ou plutôt l’une d’entre vous ce matin, parlait de gestion plus humaine de vos carrières. Ça doit être le cas de tout salarié, de tout employé, bien sûr, évidemment. Et on sait que dans la fonction publique, les marges de progrès sont fortes. Mais à l’occasion de cette réforme, s’agissant des cadres supérieurs de l’Etat, nous devons, là aussi, nous améliorer. C’est tout le sens de la création de la DIESE dont je salue madame PIETTE, nouvelle directrice, ancienne secrétaire générale, vous le savez, du grand ministère de la Transition écologique.
Voilà les faits. Mais il faut montrer l’exemple. Votre objectif, madame, ce n’est pas de vous substituer à la DGAFP dont je salue aussi le travail absolument indispensable, c’est d’apporter là encore un plus pour individualiser, pour permettre là aussi, appelons un chat un chat, il y a combien aujourd’hui d’administrateurs civils qui passaient 4- 5ans ans sans affectation. Beaucoup trop, alors que l’Etat a tant de besoins. Nous devons, c’est tout le fil de cette réforme rapprocher, rapprocher l’intérêt individuel des acteurs et l’intérêt du système. Ce système, je le dis souvent, il y a énormément de talents et de qualités, et rien n’est pire qu’un système tel que la qualité s’y consume dans l’impuissance.
Nous devons vous redonner, nous redonner des marges de manœuvre. Dans un cadre clair, j’ai parlé de la simplification des corps. J’ai parlé du corps d’administrateur de l’Etat. C’est un corps, c’est un grade. Nous ne faisons pas des contractuels de la haute fonction publique. Il faut des contractuels, on a besoin de contractuels. On l’a introduit, notamment dans la loi qui avait, à l’époque, été portée par Olivier DUSSOPT et Gérald DARMANIN, bien sûr, mais ce n’est pas le sujet ici. Les contractuels, ils existent, ils existeront. Les emplois à la discrétion du Gouvernement, ils existent et il n’est pas question ici, il n’a jamais été question ici de modifier l’article 13 de notre Constitution. Servir l’Etat, mieux servir l’Etat, c’est l’objectif de la réforme, sans s’asservir au pouvoir – c’était la devise de l’ENA, elle me va très bien. Elle est tout à fait d’actualité. Il n’est pas question de changer ça, ce serait d’ailleurs une grave faute. Ce n’est pas l’objectif de cette réforme. Je vous le dis de la façon la plus claire : les valeurs fondatrices du service public, non seulement nous ne les dénaturons pas, mais nous les renforçons en les adaptant et en tirant les conséquences de ce qui ne marche pas ou de ce qui n’a pas marché. C’est aussi simple que cela.
Pour autant, je vous le dis, je m’adresse à vous en tant que chef de l’administration, à tous les cadres dirigeants ici présents, c’est une réforme exigeante. Elle bouscule des longues habitudes, sans doute quelques places fortes acquises, bien sûr. Mais dès lors, comme j’en ai la conviction, qu’elles sont conformes à l’intérêt général et à l’intérêt de l’Etat, elles prospèreront et elles aboutiront. Nous avons d’ailleurs déjà pris, chère Amélie, l’essentiel des textes. Il nous manque ceux, je ne les ai pas évoqués, des statuts d’emploi qui concilient la fin d’une gestion strictement statutaire et administrative avec la nécessité d’avoir des qualifications, de capitaliser l’expérience professionnelle, bref de passer d’une gestion strictement administrative à une gestion par la compétence. Il nous reste disais-je donc des textes. Certains sont, comme on dit, examinés actuellement par le Conseil d’Etat.
Mais je souhaite, parce qu’encore une fois elle me paraît essentiel, que cette réforme et les textes qu’elle appelle soient bouclés avant la fin — je m’adresse aux parlementaires — de la présente mandature. Elle est dans l’intérêt de l’Etat. Et je ne pourrais évidemment m’empêcher de terminer sans citer le général DE GAULLE puisque j’ai commencé en citant Michel DEBRÉ, en vous disant que je me sens dans ce que je fais, dans ce que nous faisons, à la demande du Président de la République, parfaitement raccord avec les objectifs qui étaient les leurs à l’époque. Relisez, faites-vous ce plaisir, les déclarations de l’époque. S’adressant aux élèves de l’ENA le 17 novembre 1959 – je dis ça alors qu’on est en janvier 2022 et que je crois que c’est en janvier 1992 que l’ENA s’installait à Strasbourg – le général DE GAULLE disait “Vous ressemblez étonnamment à celles et à ceux qui vous ont précédé en ce sens que vous êtes comme eux des hommes et des femmes appelés par votre vocation et vos capacités à exercer la fonction la plus importante et la plus noble qui soit dans l’ordre temporel, je veux dire le service de l’Etat.”
Je vous remercie.

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Discours du Premier ministre Jean Castex – Inauguration de l’Institut national du service public
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