En Allemagne, la pénurie de main-d'oeuvre s'est accélérée avec le Covid – Les Échos

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Seul un afflux de 400.000 étrangers par an stabiliserait la population active allemande jusqu'en 2035 selon l'Institut de recherche sur le marché du travail et la formation professionnelle (IAB). Un objectif peu réaliste. Seules les femmes pourraient en réalité éviter une crise des compétences à l'Allemagne. Explications.
Par Ninon Renaud
Les écriteaux et affiches de recrutement de serveurs, de cuisiniers ou de vendeurs se multiplient sur les devantures des magasins en Allemagne. Plus de 20.000 postes sont aussi ailleurs vacants au sein des sociétés cotées au Dax, indique une enquête récente du Handelsblatt. Globalement, 43 % des entreprises estiment que le manque de main-d'oeuvre menace leur activité, contre 28,6 % avant la pandémie de Covid, selon le baromètre de l'emploi de la banque publique KfW et de l'Ifo.
Le rebond de l'économie allemande au sortir du confinement au printemps explique une partie des tensions sur le marché de l'emploi, notamment dans les services où de nombreux salariés se sont reconvertis dans d'autres métiers durant le confinement. Mais le problème est plus profond : la menace d'une crise des compétences provoquée par le départ en retraite des baby-boomers est en train de se concrétiser.
La situation est particulièrement préoccupante dans le domaine des mathématiques, de l'informatique, des sciences naturelles et des technologies (MINT), métiers en pleine expansion, garants de la compétitivité allemande. Le déficit de main-d'oeuvre du secteur atteint déjà 276.900 personnes contre 263.000 personnes en octobre 2019, avant la pandémie. Selon l'Institut d'économie de Cologne (IW), le seul remplacement des départs à la retraite augmentera les besoins de 27.000 personnes par an dans les 5 ans à venir.
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Si les flux migratoires de l'Allemagne se maintiennent à leur niveau d'avant la pandémie, soit un solde de 100.000 personnes par an, le vivier d'actifs perdra 3 millions de personnes d'ici à 2035 et 6,1 millions de plus d'ici à 2060, anticipe l'Institut de recherche sur le marché du travail et la formation professionnelle (IAB) dans une étude publiée le 23 novembre. Seul un afflux de 400.000 étrangers par an stabiliserait la population active jusqu'en 2035.
Ce niveau sera très difficile à atteindre car l'Allemagne ne peut plus compter sur l'afflux de travailleurs issus d'autres pays européens. Eux aussi doivent retenir leurs actifs pour compenser les départs croissants en retraite : entre 2015 et 2020, l'afflux d'immigrés européens en Allemagne est passé de 382.000 à 158.000 par an. Et malgré l'entrée en vigueur de la loi sur l'immigration qualifiée en mars 2020, les entreprises allemandes hésitent à recruter hors du Vieux Continent pour des raisons linguistiques et d'évaluation des qualifications.
Pour éviter une pénurie de compétences qui ferait flamber les salaires et menacerait la croissance, une optimisation du vivier d'actifs existant s'annonce donc urgente en parallèle à l'immigration qualifiée. Selon l'IAB, l'intégration des seniors grâce au report de l'âge du départ à la retraite de 65 à 67 ans doit offrir un supplément de 2,4 millions d'actifs.
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Pas assez pour couvrir les 3 millions de départs anticipés. La mise à niveau du taux d'activité des femmes par rapport à celui des hommes sera dans ce contexte déterminant car il permettrait de mobiliser un million d'actifs supplémentaires d'ici 2035 selon l'IAB. Si 90 % des Allemandes travaillent, la moitié d'entre elles le font à temps partiel.
Le taux d'activité des femmes étrangères est par ailleurs inférieur de 20 points. L'optimisation de ces déséquilibres dépendra cependant du renforcement des structures d'accueil des enfants et du cadre fiscal : le conjoint le moins rémunéré reste pour le moment très défavorisé outre-Rhin.
Ninon Renaud (Correspondante à Berlin)
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