Publié le 23/11/2021 à 20h35
Dès le début de l’année prochaine, Ruby, Moka, Pixie, Lady, Phoebus, Machka, Romy ou encore Sushi vont intégrer l’Institut médico-éducatif (IME) les Cévennes. Aux côtés de leur maître, les huit chiens aux profils très différents s’apprêtent à endosser un même rôle : celui de médiateurs dans le cadre d’un projet novateur de zoothérapie que porte la structure ponote.
Quesaco ?
« Un soin alternatif, non médicamenteux, qui se pratique à l’aide d’un animal ».
François Beiger
Fondateur de l’institut français de zoothérapie (IFZ), le septuagénaire, qui s’est passionné pour les peuples inuits, le monde arctique, les loups, les ours polaires et les castors suite à sa rencontre avec l’explorateur Paul-Émile Victor, est un pionnier dans ce domaine.
Invité vendredi soir à la Maison de la Providence, à présenter la médiation animale – l’autre nom de la zoothérapie – aux familles et aux professionnels du secteur médico-social, il est le premier à avoir développé, à son retour du Canada (au début des années 2000), un centre spécialisé de formation professionnelle. Un organisme, enraciné dans le département de l’Isère depuis 2003, qui est aujourd’hui le seul de l’hexagone à délivrer à ses élèves « un certificat de capacité agréé par le ministère du Travail », indique François Beiger.
C’est auprès de cette pointure au parcours de vie insolite que neuf professionnels des Cévennes ont entamé leur formation à la médiation animale. Une thérapeutique à laquelle l’établissement est accoutumée. Depuis plusieurs années, ses soignants, et plus particulièrement ses psychomotriciennes, guident les enfants en centre équestre ou encore à la SPA, pour promener les chiens. Utilisée jusqu’alors exclusivement en extérieur, la médiation animale doit, cette fois, investir les locaux de l’institut médico-éducatif ponot pour offrir aux jeunes atteints de déficiences intellectuelles un accompagnement plus spécifique.
Dans ce but, plutôt que d’avoir recours de façon régulière à des intervenants, « l’IME a fait le choix de former son personnel », relate sa directrice, Laurence Malosse. Ils sont neuf à s’être portés volontaires : Virginie, Delphine, Nathalie, Julie, Bruno, Vanessa, Éric, Jean-François et Marie. Les uns exercent le métier d’éducateur, les autres sont psychomotricien, moniteur éducateur, psychologue, infirmier ou encore assistant de direction. Ensemble, ils ont souhaité mettre leurs compétences, mais aussi leur compagnon à quatre pattes – pour celles et ceux qui sont propriétaires – au service du « mieux-être » des enfants qu’ils aident à gagner en autonomie (*).
Francois Beiger
« L’idée d’un atelier de zoothérapie n’est pas d’occuper le patient : il faut donner du sens à cette relation »
Romy, Ruby et les autres boules de poils, formées, tout comme leur maître, à la médiation, s’inviteront, chacun leur tour – et suivant un planning respectueux de leur bien-être (pas plus de 30 minutes de travail consécutives, NDLR) -, aux ateliers arts plastiques et dans d’autres lieux spécifiques. Par leur seule présence, les chiens doivent favoriser les échanges, créer du lien entre jeunes et apaiser l’ambiance. Mais ils ne font pas tout
Sur le plan thérapeutique, le canidé fera office de pivot entre le professionnel et l’enfant lors de séances « plus intenses » et adaptées à ses objectifs propres. Âgés de 10 à 20 ans, les jeunes accueillis au sein de l’IME souffrent, pour certains, « de troubles de l’humeur ou de l’attention », pour d’autres « de carences affectives », « d’angoisses », « d’un manque de confiance en eux » ou encore « de difficultés à exprimer leurs émotions », énumère Laurence Malosse.
« L’idée d’un atelier de zoothérapie n’est pas d’occuper le patient. Il ne suffit pas de lui dire “Vas caresser le chien”, insiste le fondateur de l’institut de formation, François Beiger. Il faut donner du sens à cette relation. Et c’est le rôle du thérapeute. La force de l’animal, c’est qu’il ne juge pas. Il permet une stimulation sensorielle, mais il n’est que médiateur. Il est important que chaque patient ait son programme personnalisé ».
le maître-conférencier
Objectif de ce nouvel « outil de travail » qu’est la médiation animale : non pas guérir les enfants, mais « les aider à vivre mieux », en complément des dispositifs de soins existants au sein de l’Institut médico-éducatif.
(*) Si la plupart des personnels de l’IME se sont formés avec des chiens, l’un d’eux proposera une médiation avec des chevaux.
Ophélie Crémillieux
Chevaux, chiens, boucs, chats, poules, lapins, cochons d’Inde… À en croire François Beiger, le fondateur de l’institut français de zootherapie, bon nombre d’animaux peuvent faire de parfaits médiateurs. Du moins, en apparence. Car au sein d’une même espèce, toutes les races ne jouent pas tous dans la même cour.Le cochon d’Inde est, avec le chien de prairie, le rongeur qui dispose du plus grand répertoire sonore. Photo d’illustration Stéphanie Para
Si le chien, le plus fidèle ami de l’homme, est sans conteste « le plus adapté » à la médiation, le professionnel nuance son propos : « Ça dépend lequel », tranche-t-il.
Exit par exemple le boxer au poil ras qui bave à la vue d’un biscuit. Mieux vaut préférer « le berger australien, le golden retriever, le berger de Finlande ou encore le caniche moyen ». Des chiens de taille raisonnable, dotés de « poils longs » et d’un tempérament « calme, patient et intelligent ». Et, même pour ces derniers, « un an d’éducation sera nécessaire pour en faire un bon médiateur », prévient François Beiger.
Du côté des équidés, dotés d’une forte « sensibilité », le poil cotonneux est, là aussi, le critère qui fait la différence. À cela s’ajoutent la taille, mais surtout celle des oreilles. Le fondateur de l’institut affectionne tout particulièrement celles de l’âne.
Pour ce qui est des rongeurs, les lapins aux allures de peluches, tout ébouriffés, font succomber quiconque les regarde. Quant aux cochons d’Inde, en plus de leur fourrure somptueuse, ils possèdent un atout de taille : un large répertoire sonore pour communiquer.
En revanche, hamster et chinchillas n’ont pas les faveurs de François Beiger. Pour une raison bien simple : « Il s’agit d’animaux nocturnes, inactifs le jour », lorsque l’homme, lui, s’éveille.
Pour financer les trois premières journées de formation de ses personnels, l’institut médico-éducatif Les Cévennes a fait appel au financement participatif. « Une première » couronnée de succès.L’IME a collecté la somme de 5.000 €. Photo O.C
Suite à la diffusion de la présentation de son projet intitulé « Formation à la médiation animale, les animaux soignent les maux », les internautes se sont largement mobilisés sur la plateforme en ligne Human & Go.
En à peine « un mois », la structure qui accompagne « plus de 80 jeunes, âgés de 10 à 20 ans et porteurs de déficience intellectuelle légère et moyenne avec troubles associés », a ainsi atteint (et même dépassé de quelques dizaines d’euros, NDLR) l’objectif qu’elle s’était fixé : collecter la somme de 5.000 €, soit le coût de la formation. Du moins, la première partie. Parmi les donateurs : des anonymes, des particuliers et des entreprises tel qu’Auvergne ascenseurs ou encore la société Gauthier, spécialisée dans les menuiseries.
Des entreprises locales parmi les donateurs
En parallèle, par la voix de sa directrice, Laurence Malosse, l’Institut médico-éducatif a également sollicité l’aide de la Ville ou encore celle de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Deux collectivités qui n’ont pas hésité à soutenir son projet de médiation animale.
Reste à financer la formation complémentaire, d’une durée de sept jours, d’ores et déjà prévue en avril prochain. Mais cette fois, la structure ne compte pas renouveler son appel sur Internet. Bien que le coût soit plus élevé encore, le compte personnel de formation des professionnels et « le budget interne de l’IME » doivent être mis à profit pour mener le projet à son terme.
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