Texte AN n° 687
L’Assemblée nationale a achevé, le 16 novembre, l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022. Nous présentons ci-après les principales nouveautés ou modifications apportées au texte par les députés en matière sociale.
Le 23 novembre, le Sénata rejeté la première partie du projet de loi, entraînant le rejet de l’ensemble du texte. Celui-ci devrait donc être examiné prochainement en commission mixte paritaire (CMP).
Plusieurs amendements du Gouvernement relatifs à l’activité partielle ont été adoptés lors de la première lecture du texte par les députés.
Le PLF devrait donc venir ajouter quelques pierres à l’édification du régime d’activité partielle pour 2022.
Projet art. 56
Plusieurs améliorations mises en œuvre à titre temporaire à l’occasion de la crise sanitaire seraient pérennisées. Feraient ainsi leur entrée dans le Code du travail, les mesures concernant les salariés suivants :
– salariés en forfait jours : détermination du nombre d’heures pris en charge par le régime d’activité partielle en convertissant en heures le nombre de jours ou demi-journées chômées ;
– salariés soumis à une convention de forfait en heures ou à une durée conventionnelle collective de travail supérieure à la durée légale : prise en charge, par le régime d’activité partielle, des heures supplémentaires dites « structurelles » lorsqu’elles sont chômées ;
– salariés soumis à un régime d’équivalence : prise en compte, pour déterminer le nombre d’heures indemnisables et calculer l’indemnité et l’allocation, de la durée du travail considérée comme équivalente à la durée légale ;
– salariés non soumis aux dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée du travail (VRP, travailleurs à domicile, intermittents du spectacle, etc.) : calcul de l’indemnité et de l’allocation selon des modalités spécifiques déterminées par décret ;
– cadres dirigeants : prise en charge par le régime d’activité partielle en cas de fermeture temporaire de l’établissement ;
– salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation : pour les salariés dont la rémunération est égale ou supérieure au Smic, montant minimum de l’indemnité horaire d’activité partielle égal au Smic ; pour les salariés dont la rémunération est inférieure au Smic, montant de l’indemnité et de l’allocation égal au pourcentage du Smic prévu par le Code du travail ou, s’il y a lieu, par les stipulations conventionnelles applicables à l’entreprise.
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Projet art. 59
La possibilité pour certains employeurs et salariés de bénéficier du régime d’activité partielle, alors qu’en principe ils sont hors du champ de ce régime, serait reconduite jusqu’au 31 décembre 2022. Seraient concernés les salariés des entreprises sans établissement en France cotisant au Centre national des firmes étrangères, et de certaines structures publiques ou parapubliques (Épic , chambres consulaires, régies gérant un service public de remontées mécaniques, de pistes de ski ou de cures thermales, etc.).
Projet art. 34 duovicies
Le Gouvernement serait autorisé, jusqu’au 31 juillet 2022, à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi permettant l’adaptation des dispositions relatives à l’activité partielle réduite de longue durée (APLD).
Selon l’exposé des motifs de l’amendement, le Gouvernement pourrait ainsi notamment permettre aux entreprises ayant un accord APLD validé, ou un document unilatéral homologué, avant le 30 juin 2022, de conclure des avenants ou d’effectuer des modifications du document unilatéral après cette date.
Rappelons que cette habilitation figurait dans la loi de vigilance sanitaire mais qu’elle a été censurée par le Conseil constitutionnel pour un motif procédural.
Plusieurs mesures correctives ou transitoires seraient prises pour finaliser le transfert au 1er janvier 2022 du recouvrement de la contribution à la formation professionnelle (CFP), de la taxe d’apprentissage, de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) et de la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée (CPF-CDD) aux organismes de sécurité sociale, dont les modalités ont été fixées par l’ordonnance 2021-797 du 23 juin 2021.
Projet art. 32 quaterdecies
Les entreprises assujetties à la taxe d’apprentissage au titre de l’année 2021 se sont acquittées de la seconde fraction de la taxe (le solde, soit 13 % du montant de la taxe) sur la base d’une assiette constituée de la masse salariale 2020, en imputant sur celle-ci les dépenses libératoires effectuées avant le 1er juin 2021 directement auprès de certains établissements d’enseignement ou d’insertion professionnelle ou des centres de formation d’apprentis.
À la suite du transfert du recouvrement prévu par l’ordonnance 2021-797 précitée, le solde de la taxe due au titre de 2022 (calculée sur la masse salariale 2022) ne sera recouvré via la déclaration sociale nominative (DSN) qu’au mois de mai 2023, avant d’être reversé aux organismes visés ci-dessus par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations.
Afin de garantir à ces organismes le versement de cette part importante de leurs ressources en 2022, les entreprises assujetties à la taxe d’apprentissage en vertu des dispositions de l’article 1599 ter A du CGI (dans sa rédaction applicable jusqu’au 31 décembre 2021) seraient tenues de s’acquitter en 2022 de cette fraction de la taxe, calculée sur la masse salariale 2021 et versée directement aux bénéfices des établissements d’enseignement et CFA éligibles. Elles pourraient en effet imputer sur celle-ci :
– les dépenses réellement exposées avant le 1er juin 2022 afin de favoriser le développement des formations initiales technologiques et professionnelles (hors apprentissage) et l’insertion professionnelle, effectuées directement auprès des établissements énumérés à l’article L 6241-5 du Code du travail ;
– les subventions versées à un CFA du 1er juin 2021 au 31 mai 2022 sous forme d’équipements et de matériels conformes aux besoins des formations dispensées.
Les modalités d’application de ce dispositif, qui reprend le mécanisme des dépenses libératoires applicable jusqu’au 31 décembre 2021, seraient précisées par décret.
Projet art. 32 octies
Dans le cadre du transfert du recouvrement des contributions dédiées au financement de la formation professionnelle et de l’alternance aux organismes sociaux à compter du 1er janvier 2022, le projet de loi prévoit d’aménager le régime de la manière suivante :
– les établissements publics de santé sociaux et médico-sociaux relevant de la fonction publique hospitalière ainsi que les groupements de coopération sanitaire (GCS) et les groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) intervenant dans ces secteurs ne seraient plus redevables de l’ensemble des contributions à compter de cette date ;
– le champ de l’exonération de taxe d’apprentissage applicable aux mutuelles en vertu de l’article L 6241-1, III-3° du Code du travail serait modifié ;
– l’article L 6331-5 du Code du travail, qui prévoit que les entreprises de travail temporaire (ETT) d’au moins 11 salariés doivent s’acquitter de la CFP au taux de 1,3 % (au lieu de 1 %), serait abrogé, sans toutefois entraîner de changement au fond. En effet, ces entreprises demeureraient assujetties à la CFP de droit commun de 1 % et un nouvel article L 6331-69 du Code du travail instaurerait parallèlement l’obligation de versement d’une contribution conventionnelle étendue à toutes les ETT, quel que soit leur effectif, dont le taux serait au moins égal à 0,3 % du montant du revenu d’activité retenu pour le calcul des cotisations sociales. En l’absence d’accord étendu, un versement obligatoire plancher de 0,3 % serait prévu, ce qui maintiendrait un niveau minimal de participation au financement de la formation professionnelle de 1,3 % pour les ETT d’au moins 11 salariés ;
– les modalités de calcul des effectifs des entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP) pour l’application de la cotisation spécifique versée au comité de concertation et de coordination de l’apprentissage du BTP seraient alignées sur celles retenues pour l’assujettissement à la CFP ;
– les médecins remplaçants et étudiants en médecine qui ont opté pour le dispositif social simplifié prévu par l’article L 642-4-2 du CSS seraient désormais exonérés de la CFP des travailleurs indépendants.
Projet art. 3 bis
Inséré dans le projet de loi de finances au cours de son examen par l’Assemblée nationale en première lecture, par un amendement des députés, approuvé par le Gouvernement, l’article 3 bis du projet de loi prévoit un dispositif temporaire d’exonération de cotisations et contributions sociales sur les pourboires.
Ces sommes seraient également exonérées de l’impôt sur le revenu (Projet art. 3 bis, II-C). Cette mesure d’exonération sociale et fiscale des pourboires avait été annoncée fin septembre par le Président de la République.
Les salariés concernés seraient ceux en contact avec la clientèle, c’est-à-dire ceux exerçant dans des établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire.
Selon l’exposé des motifs de l’amendement, il s’agit de renforcer l’attractivité de ces professions salariées en contact avec la clientèle particulièrement touchées par l’épidémie de Covid-19. Est entre autres visé le secteur des hôtels, cafés et restaurants.
On notera que seuls les salariés seraient concernés, à l’exclusion des travailleurs indépendants (tels des conducteurs de taxis exerçant sous ce statut d’indépendant, par exemple).
L’exonération ne s’appliquerait que pour les salariés percevant, au titre des mois civils des années concernées, une rémunération n’excédant pas le montant mensuel ouvrant droit à la réduction générale de cotisations patronales, soit 1,6 Smic.
Pour vérifier que les salariés remplissent la condition de rémunération requise, plusieurs règles seraient posées. Les sommes versées volontairement à titre de pourboires ne seraient pas intégrées dans l’appréciation du seuil de rémunération de 1,6 Smic. Il serait en outre précisé que le montant mensuel de la rémunération serait calculé sur la base de la durée légale du travail ou de la durée de travail prévue au contrat, augmentée, le cas échéant, du nombre d’heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles celles-ci donnent lieu.
Les sommes concernées seraient celles remises volontairement :
– soit directement aux salariés ;
– soit à l’employeur et reversées par ce dernier au personnel en contact avec la clientèle en application de l’article L 3244-1 du Code du travail.
Dans le second cas, il s’agit notamment des sommes versées par carte bancaire.
Par ailleurs ne sont visées que les sommes volontairement remises ce qui exclut les sommes automatiquement incluses dans la note présentée au client (dénommées « pourcentage-service ») (Rapport. Sén. n° 163).
L’exonération porterait sur les cotisations et contributions suivantes :
– les cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle, à savoir les cotisations de sécurité sociale (maladie, maternité, invalidité, vieillesse) et allocations familiales, les contributions chômage et AGS, la CRDS et la CSG, la contribution de solidarité autonomie, les cotisations de retraite complémentaire ;
– la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (contribution à la formation professionnelle et taxe d’apprentissage) ;
– la contribution supplémentaire à l’apprentissage ;
– la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée ;
– la participation de l’employeur à l’effort de construction ;
– le versement mobilités ;
– la contribution au Fnal.
Le bénéfice de cette exonération serait limité aux sommes remises volontairement par les clients à titre de pourboires au cours des années 2022 et 2023.
Projet art. 4 quater
Les entreprises réalisant des projets de recherche et de développement peuvent bénéficier d’une exonération des cotisations sociales patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales sur les rémunérations des personnels participant à la recherche lorsqu’elles ont le statut de jeunes entreprises innovantes (JEI). Ce statut peut s’appliquer aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2022, à certaines conditions. Parmi elles, figure la condition que l’entreprise ait, selon l’article 44-sexies-0 A, 2° du CGI, moins de 8 ans.
Le projet de loi de finances pour 2022 propose de porter cette ancienneté de l’entreprise à moins de 11 ans.
Projet art. 4 sexies, II et III
Adopté en première lecture par le Sénat le 26 octobre 2021, le projet de loi en faveur de l’activité indépendante vise principalement à créer, dans le Code de commerce, un statut unique d’entrepreneur individuel reposant sur la séparation des patrimoines privé et professionnel. Les dispositions fiscales et sociales de ce nouveau statut figurent à l’article 4 sexies du projet de loi de finances pour 2022 qui résulte d’un amendement adopté en première lecture par les députés à la demande du Gouvernement.
L’entrepreneur individuel, dont les bénéfices devraient en principe être soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie dont relève son activité professionnelle (BIC, BNC ou BA), pourrait être soumis à l’impôt sur les sociétés en optant pour l’assimilation à une entreprise unique à responsabilité limitée (EURL) ou une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) dont il serait l’associé unique. Cette option ne serait pas ouverte aux entrepreneurs individuels bénéficiant d’un régime micro.
En cas d’option pour l’impôt sur les sociétés, les dividendes perçus par l’entrepreneur individuel entreraient dans l’assiette de ses cotisations et contributions sociales pour leur fraction excédant 10 % du montant du bénéfice net imposable de l’exercice précédant la distribution.
Les dispositions de l’article 4 sexies entreraient en vigueur en même temps que celles du Code de commerce fixant le nouveau statut d’entrepreneur individuel et prévues par le projet de loi en faveur de l’activité indépendante actuellement en cours de discussion.
30 novembre, 2021 0 Comments 1 category
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