Un centre de formation agricole privé. Hectar, un projet qui parle la langue du capitalisme – L'Humanité

0 Comments


Donnons des forces à l’Humanité ! Je fais un don >>
Jonathan Dubrulle Ingénieur agronome et doctorant en agriculture comparée

À Hectar, la novlangue, ça se cultive. Les communicants du centre de formation agricole privé, financé par le milliardaire Xavier Niel et l’ex-conseillère agriculture d’Emmanuel Macron, Audrey Bourolleau, ne manquent pas d’air. Si vous ne le saviez pas encore, « le plus grand campus agricole au monde » (1) se situe à Lévis-Saint-Nom, au sud-ouest de Paris. Hectar est aussi « le plus grand accélérateur d’innovations AgTech et FoodTech » grâce à un partenariat noué avec HEC Paris. Bref, Hectar s’attribue les lauriers de l’excellence. Faute de démonstration, les superlatifs suffisent à eux-mêmes.
L’enseignement agricole public, c’est démodé. Les CAP, bac pro, BTSA, licence pro, BPREA, du jargon de pédago. Par contre, le « tremplin éco-agriculteur-rice », c’est plus sexy. Ça scintille et ça sent bon. Ça sonne start-up nation. C’est écolo et inclusif. On y apprend les vrais fondamentaux du métier lors d’un « programme personnalisé pour penser et challenger son projet entrepreneurial agricole. Mentoring, interventions d’expert, travail personnel de réflexion pour consolider son projet et passer de l’idée à l’action ».
Futur « entrepreneur agricole », vous recevrez toutes les « compétences entrepreneuriales nécessaires pour sécuriser votre projet agricole ». Jeune cadre dynamique, vous y trouverez un terrain de « team bulding », mais aussi des espaces de « coworking ». Investisseur, profitez d’un « écosystème » pour « développer votre leadership », bénéficier d’un « suivi roadmap » et participer à tout un tas de «  worshops & events ». Nous n’avons pas traduit le franglais. Ce qui compte, c’est que les initiés comprennent. Pas besoin de parler la langue des classes populaires. Ce vocabulaire traduit toutefois une grande porosité entre idéologie entrepreneuriale et agriculture.
Le site Internet fait le très juste constat que de nombreuses exploitations agricoles seront à reprendre. Mais Hectar détourne le problème. Ses concepteurs pointent le manque d’accès à la formation pour concurrencer l’enseignement agricole public. Ils occultent totalement le poids du capital immobilisé rendant nombre de structures intransmissibles, à moins d’être né avec une cuillère en argent dans la bouche ou de s’endetter jusqu’à sa retraite.
La déification du progrès technique, via la promotion de la robotique et de l’intelligence artificielle, a pour but de créer une demande en produits connectés. Tout le contraire de l’agroécologie, qui vise la sobriété en capital et l’autonomie décisionnelle du producteur. La construction d’une posture entrepreneuriale, basée sur la réussite et la réalisation de soi, inculque des valeurs individualistes. Pourtant, la profession agricole, de plus en plus atomisée, a besoin plus que jamais de solidarité et non de concurrence.
Enfin, la proximité entre investisseurs et porteurs de projet risque d’ouvrir les portes de l’exploitation agricole aux financements extérieurs, moyennant profit. La logique capitaliste s’oppose à celle de l’exploitation agricole familiale, dépourvue d’actionnaires, rémunérant le travail et non le capital.
En usant et abusant d’expressions séduisantes, d’anglicismes et de néologismes, Hectar parle la langue des classes dominantes au service d’une plus grande intégration de l’agriculture au capitalisme.
Édition du Vendredi 3 Décembre
Travail, pourquoi Marx avait raison
Quand pour les libéraux, combinaison du travail, du capital et de l’entrepreneur créent la valeur, Marx, donne au travail humain le rôle central.
TAF | N°7
Les effets du Covid sur le travail, la protection sociale des femmes et les travailleurs du nucléaire au sommaire de ce nouveau numéro.
QUE RESTE-T-IL DU 11 SEPTEMBRE ?
Alors que les Talibans viennent de revenir au pouvoir en Afghanistan, que reste-t-il du 11 septembre ? Reportages exclusifs, entretiens et analyses.
150 ans de la Commune de Paris
Revivez ces 72 jours de révolution, l’histoire de leurs acteurs et la richesse des débats qui leur succédèrent. Un numéro exceptionnel de 124 pages.
La Terre | N°4
Notre dossier « Biodiversité, climat : comment les protéger ? » et 30 pages de conseils (culinaires ou littéraires, pour jardiner ou bricoler…)
La biodiversité à l’heure du COVID
L’auteur appelle à un nouveau choix de civilisation respectueux des exigences de développement de tous les «locataires» de la planète. 172 pages.
Du monde capitaliste comme religion
Et si le monde capitaliste n’était pas seulement une économie, une société et un État, mais aussi une religion comme le suggèrent Karl Marx et Walter Benjamin ?
L’après-capitalisme
Après la violence de ce que nous avons dû endurer, qui nous frappe encore et le monde entier avec nous, il ne faut pas « la jouer petit bras »…
 
Edition numérique du quotidien sur ordinateur et tablette
Tout le site humanite.fr accessible en illimité sur tous vos appareils connectés

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related Posts