Rupture conventionnelle : “certains employeurs détournent le dispositif pour éviter de licencier”, dénonce … – Capital.fr

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Capital : Observez-vous une augmentation du recours aux ruptures conventionnelles ces derniers temps ?
Isabelle Schucké-Niel : Je remarque que les entreprises concluent durant cette période très particulière de quasi-révolution anthropologique un plus grand nombre de ruptures conventionnelles. Côté employeur, y avoir recours est un signe de reconnaissance envers le salarié demandeur. C’est une sorte de rupture homéopathique : l’employeur ne fait aucun grief au salarié. C’est une rupture sans motif de départ. Le réflexe pour la plupart des employeurs et des salariés est donc de s’engouffrer dans la rupture conventionnelle. D’autant qu’elle ouvre des droits au chômage au salarié. Mais on assiste à un véritable détournement du dispositif.
C’est-à-dire ?
La rupture conventionnelle est parfois utilisée par l’employeur pour s’éviter la lourdeur du droit lié aux licenciements économiques. Au lieu de faire des plans de sauvegarde de l’emploi, de faire des restructurations coûteuses, et donc au lieu de négocier avec les partenaires sociaux les conditions de départ des salariés, il est plus facile pour les employeurs de faire au cas par cas, et de pousser tranquillement mais sûrement les salariés vers la sortie. Politiquement, les entreprises ne veulent pas entendre parler du licenciement économique. Leur image reste intacte avec la rupture conventionnelle. Par exemple, un salarié à qui on annonce que son poste va être supprimé devrait pouvoir bénéficier du licenciement économique. Mais certaines entreprises vont plutôt proposer une rupture conventionnelle pour organiser son départ en douceur. Le problème, c’est que ces ruptures ne se font pas forcément à l’avantage des salariés. Dans le cadre du licenciement économique, le salarié pourrait en effet bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle (CSP)*, qui ouvre droit immédiatement au versement d’indemnités chômage correspondant à 75% du salaire journalier de référence** pendant douze mois (au lieu de 57% avec une rupture conventionnelle) et à des aides personnalisées, comme de la formation ou encore l’accès gratuit à un bilan de compétences par exemple. Tandis que dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’ouverture de droits au chômage est soumise à un certain nombre de contraintes. Entre un licenciement économique avec CSP et une rupture conventionnelle, un salarié est clairement perdant avec le deuxième dispositif.
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Les entreprises peuvent-elle utiliser le dispositif de rupture conventionnelle sans limite ?
Légalement, il n’y a pas de quotas. Dans l’absolu, une entreprise pourrait se séparer de tous ses salariés dans le cadre de ruptures conventionnelles si elle le voulait, surtout s’il n’y a ni CSE (comité social et économique, ndlr), ni syndicats. Mais il faut savoir que l’inspection du travail a le pouvoir de restreindre en nombre de ruptures conventionnelles les entreprises, notamment celles qui représentent un savoir-faire industriel, qui ont des salariés âgés ou qui se situent dans un bassin économique fragile. Ceci afin de réguler notamment le tissu économique.
(*) Le contrat de sécurisation professionnelles (ou CSP) est réservé aux personnes licenciées pour motif économique dans les entreprises de moins de 1.000 salariés et dans celles en redressement ou en liquidation judiciaire.
(**) Le salaire journalier de référence, le SJR, sert de base pour le calcul des allocations chômage. Il correspond au total des rémunérations brutes perçues lors des deux années (ou trois pour les plus de 53 ans) précédant la fin du contrat ouvrant droit au chômage, divisé par le nombre de jours calendaires (travaillés et non travaillés) compris entre le premier et le dernier jour de travail.
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