Il y a quelques jours, l’Assemblée nationale a publié un rapport sur une réforme qu’elle avait elle-même menée au cours de l’année 2018. Ce type de rapport pro domo, rédigé par et pour ceux qui ont mené la réforme est-il pertinent et donne-t-il une réelle et sincère photographie de l’état de la formation dans notre pays ?
Résumons ce rapport sur son volet de formation…
I – Tout irait pour le mieux en France depuis la réforme de 2018, la réforme de septembre 2018 aurait été « ambitieuse » et le texte de loi « emblématique ». Le ridicule ne semble pas atteindre les rapporteurs de la loi alors que, sur le terrain, l’effort de formation des entreprises régresse partout (et n’est évidemment pas compensé par un CPF fourre-tout social, très mal financé).
À peine sortie d’une année 2019 catastrophique (quand la formation est réformée elle s’arrête pendant au moins un an) et légèrement rétablie avec le FNE formation en 2020 et 2021, la formation est de nouveau sur le point d’être torpillée par l’arrêt brutal des financements des OPCO.
L’habituel et catastrophique « stop and go » reprend de plus belle en 2022 et, par exemple, les quelque 400 salariés (dans la sécurité) que nous devions former en français langue étrangère (FLE) et en informatique de base ne pourront l’être du fait des nouvelles restrictions communiquées ces derniers jours.
II – La réforme de 2018 aurait donc été « ambitieuse » et ses rédacteurs en semblent convaincus et s’autofélicitent après une geste législative qui n’aura en fait qu’ajouté des couches de complexité, d’attentisme et de cherté à la formation.
III – Le compte personnel de formation (CPF) serait victime de son succès. Il continue pourtant d’errer en entreprise : non financé, souvent gadget et élitiste, il serait malgré tout un « indéniable succès ».
Non seulement le nombre des départs en formation augmenterait (en partant de zéro, on progresse facilement) mais des travailleurs peu qualifiés y auraient désormais recours (ce qui reste à démontrer pour les moins qualifiés) et le prix moyen des formations aurait enfin baissé (avec une durée divisée par 3 ou par 4, on forme certes pour moins cher).
Personne ne semble se demander si le niveau de compétences des travailleurs a réellement augmenté depuis la mise en œuvre du CPF, en 2015.
Dans ce long plaidoyer pro domo, il n’est guère fait allusion à la piètre qualité du site de la Caisse des dépôts « mon compte formation », à ses conditions générales d’utilisation de 60 pages qu’il faut accepter (sans les avoir lues) de prime abord (c’est comme si pour bénéficier de la Sécu, il fallait accepter ses CGU), à ce site qui en est à sa sixième mouture, en bazar et en maintenance permanente.
En effet, Mon compte formation a été réalisé sans cahier des charges ; il est improvisé et modifié plusieurs fois par an, au fil des problèmes, escroqueries ou impasses s’y développant tout au long de l’année.
Sur ce CPF, désormais véritable déversoir social (pour les jeunes, les fonctionnaires, les chômeurs, les handicapés, les élus et bientôt les détenus), aucune étude n’est produite attestant de la réalité (ou non) de la montée en compétences des travailleurs en France. On se contente donc de compiler des statistiques et d’additionner des chèvres et des choux. Ce quantitatif ne va pas jusqu’à avouer que les actifs ne pourront de toute façon bénéficier en moyenne qu’une seule fois dans leur vie de leur CPF (3 % de réalisation, donc une fois tous les trente ans en moyenne).
Un déficit de formation de 11 milliards en seulement en deux ans d’application
Même si le déficit est partiellement dû à l’apprentissage (avec un effet d’aubaine, notamment pour les études supérieures), personne ne souligne qu’on ne pouvait créer un CPF monétisé de 500 € par an pour 20 millions de travailleurs, avec une mini-cotisation de 800 millions (qui aura encore baissé du fait du chômage partiel de 2020).
On apprend donc que notre système de formation a été déficitaire de plus de 11 milliards d’euros en 2020 et 2021 et, surtout, que ce n’est pas l’État qui le refinance (cela ferait tache au niveau de l’UE) mais France Compétences qui doit emprunter des milliards auprès des banques, à hauteur des déficits qui étaient évidemment prévisibles.
Ces 11 milliards de déficit sur deux ans (de crise) ne devraient pourtant pas être une surprise puisque les pouvoirs publics prétendent baisser les charges des entreprises depuis 2014, notamment via cette docile et pratique formation professionnelle, éternelle variable d’ajustement d’un social qui préfère dépenser et distribuer plutôt que semer ou préparer l’avenir.
11 milliards en deux ans nous mèneront-ils à un déficit de 20 milliards d’ici 2025 ?
À la lecture de ce rapport, on comprend que la formation va désormais copier les autres régimes sociaux : retraite, santé ou chômage sont en déficit depuis les crises économiques successives de 2000, 2008 et 2020 (on paie à crédit le social en France depuis au moins vingt ans), la formation le sera toujours plus tant que pays n’acceptera pas de prélever une part conséquente de sa richesse pour son éducation et la formation de ses travailleurs.
La formation reste éternellement limitée au 1 % symbolique prélevé sur la richesse nationale.
Ces déficits (financiers mais surtout de compétences) s’expliquent en partie parce que notre pays a décidé de ne pas dépenser plus pour sa formation que le 1% symbolique mis en œuvre en 1971, dans un tout autre contexte financier, social et professionnel.
Aujourd’hui, un élève coûte environ 10 000 € chaque année pour apprendre (près de 13 000 € pour un lycéen professionnel), contre un micro-budget compris entre 100 et 300 € pour un travailleur salarié (encore moins pour les indépendants). Il y a donc 30 à 100 fois moins de fonds pour former et reconvertir alors que des millions de reconversions professionnelles (parfois longues) vont devoir être menées du fait des transitions majeures que nous vivons : la crise énergétique, la numérisation et le réchauffement climatique.
https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11761824_61e7cbbf3a80d.commission-des-affaires-sociales–rapport-d-evaluation-de-la-loi–pour-la-liberte-de-choisir-son-a-19-janvier-2022
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