L'eau était présente dans le Système Solaire bien avant la formation de la Terre – Futura

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Publié le 03/02/2022
Publié le 03/02/2022
Une nouvelle étude vient renforcer l’idée que l’eau de la Terre était déjà disponible dans le disque protoplanétaire, bien avant la formation des planètes du Système solaire.
[EN VIDÉO] Revivez le succès de la mission Rosetta et de Philae  La mission Rosetta avait pour objectif de poser son atterrisseur Philae à la surface de la comète Churyumov-Gerasimenko, une mission accomplie avec succès. Revivez les heures qui ont suivi ce succès historique avec ce reportage vidéo autour du personnel de l’Esa et des scientifiques de la mission. 
D’où vient l’eau présente sur Terre ainsi que sur les autres corps planétaires du Système Solaire ? Voilà une question depuis longtemps débattue, qui nécessite de remonter le temps, avant même la formation de notre Planète. Et pour cela, rien de tel que l’étude des météorites primitives.
Des chercheurs de l’Institut de Minéralogie de Physique des Matériaux, de Minéralogie et de Cosmochimie, de l’Université Paris-Saclay et de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour se sont donc intéressés à la composition isotopique de l’hydrogène de minéraux présents dans certaines météorites retrouvées sur Terre. Ces météorites, dites « primitives » (chondrites), sont en effet les témoins de la composition originelle de notre Système solaire.  
Exemple de chondrite. © Didier Descouens, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0 
Leur étude permet donc de savoir quels étaient les isotopes de l’hydrogène présents au moment de la formation du Système solaire. La recherche de l’origine de l’eau peut en effet être envisagée par l’étude des compositions isotopiques des deux éléments chimiques qui la composent : l’hydrogène et l’oxygène. Naturellement, l’hydrogène possède trois isotopes, qui sont notés 1H (protium), 2H (deutérium) et 3H (tritium). Ils correspondent aux différentes configurations possibles du nombre de neutrons et de protons au sein du noyau atomique. Ce sont en quelque sorte des sosies d’un même élément chimique, mais présentant chacun quelques subtiles différences. Parmi ces trois isotopes, c’est le deutérium (D, ou 2H) qui intéresse particulièrement les chercheurs. Et plus précisément son ratio par rapport au Protium (H, ou 1H), qui est l’isotope le plus fréquent sur Terre.
Cependant, mesurer la composition isotopique de l’hydrogène au sein de minéraux formés sous très faible pression et très haute température représente un challenge technique. L’un des problèmes réside dans le fait que la plupart des météorites ont subi des altérations chimiques suite à la circulation de fluide après leur phase d’accrétion. Ces altérations ont tendance à masquer le signal correspondant à la composition primaire héritée du disque protoplanétaire.
Le disque de gaz à l’origine du Système solaire © Nasa, JPL, Caltech, T. Pyle 
Les scientifiques ont donc dû soigneusement sélectionner les chondrites à étudier, favorisant celles ayant subi le moins de modifications. La quantité d’hydrogène ainsi que la composition isotopique ont ensuite été estimées en utilisant une nouvelle méthode spécifiquement développée pour cette étude.
Les résultats, publiés dans la revue Nature Astronomy, montrent que les minéraux primaires des chondrites, c’est-à-dire les premiers à être apparus, se seraient formés par condensation à partir de la nébuleuse solaire, qui est à l’origine de toute la matière du Système solaire. Le ratio D/H y est très faible, en lien avec une quantité d’hydrogène (H) particulièrement élevée. À l’inverse, les minéraux riches en FeO (oxyde de fer), qui sont des minéraux secondaires et se sont donc formés dans un deuxième temps, montrent un ratio D/H relativement proche de celui des océans terrestres. Ce résultat suggère qu’ils se sont formés dans des conditions différentes, vraisemblablement celles d’un nuage de gaz protoplanétaire enrichi en vapeur d’eau.
L’analyse isotopique de l’hydrogène montre donc que deux réservoirs gazeux étaient présents durant la première phase de formation du Système solaire. Les minéraux auraient ainsi enregistré la composition de la nébuleuse solaire, puis celle d’une nébuleuse protoplanétaire fortement enrichie en eau, avec une signature isotopique de l’hydrogène déjà similaire à celle de la future Terre. Ceci durant les 200.000 premières années du Système solaire. Les analyses concernant les isotopes de l’oxygène et de l’azote mènent à des conclusions similaires.
Le réservoir chimique protoplanétaire, à partir duquel se sont accrétées par la suite les différentes planètes telluriques du Système solaire, était donc déjà formé à ce stade très précoce. La formation de ce réservoir serait due à un afflux massif de matière interstellaire, riche en eau, vers le centre du Système solaire au moment de l’effondrement de l’enveloppe interstellaire. L’accrétion de matériel à différents stades de ce mélange permet d’expliquer l’hétérogénéité isotopique rencontrée pour différentes météorites. Les échantillons étudiés montrent qu’ils se seraient formés en premier lieu à partir de matériel solaire, très proche du centre du disque protoplanétaire, avant de continuer leur évolution au niveau du réservoir de gaz planétaire.
Tout cela indique que l’eau composant les planètes telluriques du Système solaire était déjà présente bien avant leur formation.  
Nouveau rebondissement dans les tentatives pour expliquer l’origine de l’eau des océans. On était arrivé à la conclusion que 10 % tout au plus de cette eau pouvait venir des comètes mais de nouvelles mesures concernant le deutérium dans la comète 46P/Wirtanen viennent de relancer le débat.
Article de Laurent Sacco publié le 30 mai 2019
À l’occasion de la spectaculaire mission Rosetta, l’Agence spatiale européenne (ESA) avait révélé un court métrage tout aussi spectaculaire, Ambition, qui pouvait être vu comme un manifeste transhumaniste mais surtout attirait l’attention du grand public sur le fait que l’eau, si nécessaire à la vie sur Terre, aurait très bien pu être apportée par les comètes. Hélas, les résultats de l’étude de la comète Churyumov-Gerasimenko n’avaient fait que conforter ceux déjà obtenus avec d’autres comètes et semblaient réfuter cette théorie de l’origine de l’eau des océans de la Planète bleue.
Pour comprendre de quoi il en retourne, rappelons qu’il existe actuellement deux classes de théorie sur l’origine de l’eau des océans et elles sont étroitement liées à la cosmogonie du Système solaire.
Bien évidemment, on peut faire remarquer que ces deux hypothèses ne sont pas vraiment indépendantes puisque la Terre provient de l’accrétion de corps rocheux et aussi sans doute de comètes. De fait, l’origine de l’eau est dans les deux cas extraterrestre et remonte aux conditions de formation des corps du Système solaire dans le disque protoplanétaire initial.
Cours donné dans le cadre des Rencontres Exobiologiques pour doctorants en février 2013 au Teich, par Francis Albarède, directeur du laboratoire de géologie à l’ENS Lyon. © Société Française d’Exobiologie
Si la dernière théorie sur l’origine de l’eau de la Terre prend du poids et qu’il soit possible qu’une partie de l’atmosphère et de l’eau, issue du dégazage de la Terre, ait été évacuée dans l’espace, il reste vraisemblable que l’eau des océans trouve son origine à la fois dans le dégazage primitif et dans l’espace. Le balancier ne cesse d’osciller entre les deux théories au fil des ans et du renouvellement des données, d’autres modèles cosmogoniques et de nouveaux raisonnements.
On cherche en particulier à départager les théories concernant l’origine cométaire ou astéroïdale de l’eau en utilisant les méthodes et les théories de la cosmochimie, souvent en comparant le rapport d’abondance du deutérium (D) sur l’hydrogène (H) dans les météorites, les comètes et les roches du manteau de la Terre. Rappelons qu’il existe ainsi deux types d’eau, l’une, ordinaire, est faite d’atomes d’hydrogène H avec un seul proton pour noyau ; l’autre, dite lourde, est faite d’atomes de deutérium D, donc un noyau avec un proton et un neutron.
L’étude des météorites sur Terre – qui proviennent majoritairement de la ceinture principale d’astéroïdes – a permis d’établir qu’en moyenne, le rapport D/H était de l’ordre de 140 ppm alors que ce rapport, lorsqu’on l’a déterminé dans certaines comètes, était compris entre 150 et 300 ppm, voire plus élevé encore comme le montre le précédent article de Futura ci-dessous. Comme sur Terre il est d’environ 150 ppm, l’hypothèse cométaire est devenue défavorisée, ou pour le moins, les comètes ne seraient pas, et de loin, la source principale de l’eau sur Terre.
L’observatoire stratosphérique d’astronomie infrarouge de la Nasa, ou Sofia, intègre un télescope allemand de 19 tonnes d’un diamètre effectif de 2,5 mètres dans un Boeing 747SP qui effectue des missions scientifiques astronomiques à des altitudes élevées là où plus de 99 % de la vapeur d’eau bloquant les infrarouges dans l’atmosphère n’est plus présente. Sofia permet d’explorer une bande spectrale non accessible actuellement par les télescopes au sol ou spatiaux. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Armstrong Flight Research Center
Mais voilà qu’une équipe internationale avec des chercheurs du CNRS au Laboratoire d’étude du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (Observatoire de Paris – PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université de Cergy-Pontoise) et au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris – PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université de Paris) vient de relancer le débat en publiant un article dans Astronomy & Astrophysics, article en accès libre sur arXiv.
Des chercheurs, comme Dominique Bockelée-Morvan, directrice de recherche CNRS à l’Observatoire de Paris – PSL, y expliquent qu’ils ont tourné le regard infrarouge du fameux avion stratosphérique Sofia (Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy) de la Nasa vers la célèbre comète périodique 46P/Wirtanen au moment de son passage au plus près de la Terre en décembre 2018.
Les astrochimistes ont alors fait une découverte étonnante. 46P/Wirtanen fait partie des comètes hyperactives, c’est-à-dire les comètes dont on sait que la quantité d’eau présente dans leur halo est bien trop importante pour venir principalement de la sublimation de la glace de surface sous l’effet du rayonnement solaire. Cette quantité est dominée par l’apport de jet de grains de glace provenant de l’intérieur de la comète. Il est aussi possible de définir une sorte d’indice de l’hyperactivité d’une comète exprimant à quel point l’apport dans le halo est dominé par les jets de particules glacées.
Il se trouve que comme dans le cas des rares comètes hyperactives connues, la mesure du rapport D/H est précisément celle des océans terrestres. Mieux, le rapport semble inversement corrélé à l’indice d’hyperactivité, ce qui suggère que toutes les autres comètes avec un rapport élevé et peu actives possèdent en fait dans leur intérieur des glaces avec le même faible rapport D/H.
Les chercheurs avancent donc l’hypothèse que des processus de fractionnement chimique à la surface des comètes ont masqué le vrai rapport D/H de la majorité des comètes, de sorte qu’il est à nouveau envisageable que l’eau de la Terre provient majoritairement des comètes.
Article du Cnrs publié le 11/12/2014
Les premières mesures de l’instrument Rosina, porté par la sonde Rosetta, révèlent un rapport deutérium/hydrogène (ou D/H) de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko très différent de celui de l’eau présente sur Terre. Nos océans viendraient donc plutôt des astéroïdes ou d’autres comètes… Ces résultats indiquent également que les comètes de la famille de 67P ne sont pas originaires d’une unique région, la ceinture de Kuiper. Certaines proviendraient du lointain nuage de Oort.
Nés il y a 4,55 milliards d’années, les différents corps qui composent le Système solaire (Terre, planètes, astéroïdes et comètes) ont, au départ, été formés à partir du même nuage de gaz et de poussière : la nébuleuse protosolaire. À partir de cette origine commune, ils ont évolué différemment en fonction de leur orbite, et donc de leur exposition au rayonnement solaire. Très éloignées du Soleil pendant l’essentiel de leur vie, les comètes n’ont pratiquement pas évolué et constituent les témoins privilégiés des conditions qui prédominaient lors de la naissance du Système solaire. Les compositions isotopiques de leurs principaux constituants sont donc susceptibles de fournir des informations uniques pour décrire les conditions et les processus de la formation du Système solaire, et notamment l’origine de l’eau sur Terre.
Le rapport deutérium/hydrogène (D/H) constitue un marqueur clé pour déterminer l’origine de l’eau sur Terre et comprendre le rôle qu’ont pu jouer les comètes ou les astéroïdes. L’étude détaillée des premiers spectres obtenus par l’instrument Rosina, depuis son arrivée au voisinage de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, a conduit à une valeur du rapport D/H de 5,3 ±0,7 10-4. Or, sa valeur de l’eau des océans de la Terre est de 1,55 10-4.
Ce rapport, fortement enrichi en deutérium par rapport à notre biosphère, ne concorde donc pas avec les hypothèses qui attribuent une origine cométaire à l’eau présente dans l’atmosphère et les océans terrestres, à l’inverse de ce que laissaient penser d’autres résultats sur les comètes de la famille de Jupiter. La valeur du rapport D/H terrestre étant comprise dans la gamme des rapports D/H des astéroïdes situés entre Mars et Jupiter, l’eau des océans sur Terre pourrait ainsi provenir préférentiellement des astéroïdes et de certaines comètes. Ces résultats importants viennent d’être publiés dans la revue Science Express.
Valeurs des rapports deutérium/hydrogène (D/H) dans différents objets du Système solaire, regroupés par couleur avec les planètes et satellites (bleu), les chondrites de la ceinture d’astéroïdes (gris), les comètes originaires du nuage de Oort (violet) et les comètes joviennes (rose). 67P/Churyumov-Gerasimenko (jaune) possède un rapport D/H différent des comètes de sa famille. © B. Marty, Esa, Altwegg et al. 
Par ailleurs, les réservoirs cométaires sont situés à des distances considérables du Soleil : le nuage de Oort, par exemple, s’étend jusqu’à plus de 100.000 UA (100.000 fois la distance Terre-Soleil) et est la source des comètes de longue période telles la célèbre Halley. La ceinture de Kuiper, située entre 30 et 55 UA, est quant à elle connue pour être à l’origine des comètes de la famille de 67P/Churyumov-Gerasimenko qualifiées de « comètes joviennes » car les parties lointaines de leur orbite sont voisines de celle de Jupiter. Selon les nouveaux résultats de Rosina, les comètes de cette famille ne proviendraient pas toutes d’une région source unique, la ceinture de Kuiper. Certaines pourraient provenir en effet du vaste nuage de Oort.
Les chercheurs souhaitent désormais continuer à décrypter la composition chimique et isotopique de l’atmosphère de 67P/Churyumov-Gerasimenko, notamment pour d’autres espèces gazeuses que l’hydrogène, comme les gaz rares ou l’azote. Ces mesures devraient permettre d’explorer en détail l’origine des éléments volatils sur Terre permettant l’apparition de la vie. De nouveaux résultats sont attendus dès la semaine prochaine à l’occasion des rencontres de l’Union américaine de géophysique et aussi courant janvier 2015.
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La moitié de l'eau terrestre est plus ancienne que le Soleil

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