Coalition des psychologues du réseau public québécois
Nous écrivons en réponse à la lettre « Lourdeur et lenteur de la formation des psychologues » de Lucie Morin parue le lundi 31 janvier 2022. Contrairement à cette dernière, la Coalition des psychologues du réseau public québécois (CPRPQ) soutient la formation doctorale pour les psychologues. Depuis 2006, le doctorat est obligatoire pour devenir psychologue au Québec ; cette décision a été prise puisque l’évaluation des troubles mentaux et leur traitement sont extrêmement complexes. Les risques de causer un préjudice sont élevés sans une formation spécialisée. Par exemple, certaines difficultés psychologiques peuvent s’aggraver avec des interventions inappropriées et entraîner des conséquences permanentes.
Il ne serait donc pas prudent de former des gens rapidement en espérant qu’ils puissent évaluer ou traiter des troubles de santé mentale. Utiliser « son expérience de vie » sans avoir de connaissances approfondies en psychologie peut également porter préjudice aux patients. Les psychologues sont très bien formés afin que leur propre vécu et leurs biais personnels n’interfèrent pas avec l’évaluation et le traitement des patients. Il s’agit d’ailleurs d’un aspect essentiel de notre code de déontologie : si nous avons de la difficulté à avoir une saine distance en lien avec ce que vit l’un de nos patients, nous devons chercher de la supervision ou même, dans certains cas, arrêter notre suivi. C’est d’ailleurs pour cette raison que les psychologues ne sont pas autorisés à effectuer de la psychothérapie auprès de leurs proches.
Penser que 20 ans d’expérience de vie combinés à une formation abrégée en psychologie équivalent à une formation doctorale supervisée reflète une sous-estimation de la complexité du travail des psychologues. Nous intégrons plusieurs facteurs afin de mieux traiter les difficultés de la personne. Même si nos patients peuvent se sentir à l’aise avec nous lors de nos conversations, en tant que psychologue, nous pesons judicieusement nos mots et le moment où nous les exprimons pour apporter des changements durables.
Au cours de leur parcours de 7 à 10 ans d’université, les étudiants en psychologie sont formés aux diverses approches théoriques et à la recherche scientifique. Ils sont aussi appelés à développer un esprit critique et des connaissances approfondies quant aux enjeux éthiques et déontologiques. Ils développent des compétences pointues dans l’évaluation différentielle et le traitement des troubles de santé mentale. Ils sont donc en mesure d’évaluer les besoins et l’évolution du patient en cours de traitement. Il est important de rétablir les faits : les doctorants en psychologie doivent réaliser 2300 heures de stages, et non pas 6000 heures comme mentionné dans la lettre ouverte citée plus haut. Ils doivent également développer et mener à bien une étude doctorale innovatrice. Oui, ce parcours prend beaucoup de temps, mais c’est important pour bien comprendre la complexité de l’être humain, tant sur le plan biologique que psychologique et social.
On ne sort pas gagnant en prenant des raccourcis. Chaque métier requiert certaines exigences et un certain nombre d’années d’étude. On n’écourte pas le parcours universitaire d’un médecin parce qu’il a souffert d’une maladie. On ne devrait pas diminuer le nombre d’années d’études des doctorants en psychologie parce qu’ils ont vécu des deuils, des traumas ou d’autres difficultés émotives ou relationnelles ; cela ne confère pas l’expertise pour évaluer et traiter les personnes qui en souffrent.
Mme Morin a quand même raison sur un point : les besoins psychologiques sont criants actuellement et il manque de psychologues dans le réseau public. Il est estimé qu’il en manquera 895 d’ici 2023. Il ne faut toutefois pas oublier que chaque année, environ 300 doctorants en psychologie obtiennent leur diplôme en répondant à toutes les exigences de l’exercice de la profession. Ils sont prêts à travailler, et bien que la majorité d’entre eux (75 %) veulent travailler dans le réseau public, ils sont une minorité à y postuler à cause des graves lacunes dans les conditions de travail. À moins d’y remédier, ils continueront de choisir de travailler en clinique privée, où la reconnaissance de leur expertise est bien meilleure. Il faut continuer de militer pour améliorer l’accessibilité aux soins psychologiques pour tous les Québécois.es, mais il ne faut surtout pas couper les coins ronds pour y arriver !
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5 février, 2022 0 Comments 1 category
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