GRAND ENTRETIEN // Comme d’autres candidats avant elle, Valérie Pécresse a accepté de répondre à nos questions sur la place laissée à l’innovation dans son programme. Quel avenir pour la French Tech ? Quelle stratégie pour l’entrepreneuriat ? Quelle vision pour la souveraineté économique et technologique de la France ?
La French Tech compte aujourd’hui plus d’une vingtaine de licornes à son actif… La “start-up nation” imaginée par Emmanuel Macron a-t-elle tenu ses promesses selon vous ?
Son succès, la French Tech ne le doit qu’à elle-même. Les entrepreneurs ont tenu leurs promesses : leur énergie créative, leur volonté de réinventer le monde et de conquérir de nouveaux marchés nous ont permis de repositionner la France sur la carte de l’innovation. Le gouvernement a réduit les enjeux numériques aux levées de fond, et encore, même sur ce point, il n’y a pas à fanfaronner. En France, les entreprises ont levé 11 milliards en 2021 (x2 par rapport à 2020) quand l’Allemagne a levé 15 milliards (x3,5) et le Royaume Uni 28 milliards (x 2,4). La croissance est là et je m’en réjouis mais nos principaux concurrents européens vont plus vite que nous. Par ailleurs, le volet formation a été totalement négligé et les entreprises peinent à trouver les talents nécessaires à leur développement. Quant aux enjeux de souveraineté, ils ont tout simplement été mis de côté ! Mais je veux néanmoins m’appuyer sur cette formidable énergie, cet élan positif de nos étudiants, entrepreneurs, chercheurs que l’on perçoit chaque année à VivaTech pour renforcer et engager une nouvelle période de croissance, mais sur l’ensemble du territoire. Car cet écosystème reste encore très francilien, sans doute parce que la région Île-de-France a fortement contribué à accompagner toutes les jeunes start-up à leur démarrage, en mobilisant les chercheurs et surtout en soutenant les start-up au moment de leur accélération.
Ce que nous avons fait en Île-de-France je veux maintenant le faire pour toute la France et surtout en accompagnant la création de licornes industrielles, agricoles et dans le domaine de la bioproduction. La French Tech reste encore très digitale, et pas assez deeptech. Où sont les licornes pour accompagner nos priorités stratégiques ? Dans le quantique ou la biotech ? Le New Space ou la cybersécurité ? La réalité, c’est qu’une seule licorne est une licorne industrielle. Nous devons repenser l’accompagnement sur ces filières. La French Tech reste aussi très masculine ; la féminiser sera un de mes premiers combats.
Enfin et surtout, c’est l’Etat client qui n’a pas tenu ses promesses. Il a très peu acheté les produits et services de nos start-up. Le gouvernement ne fait pas confiance à ses start-up quand il dit que la France a 10 ans de retard et que « le match est perdu… ». C’est une expression très symbolique du renoncement de ce gouvernement à assurer notre souveraineté.
Si vous êtes élue en avril prochain, est-ce que l’entrepreneuriat fera partie de vos priorités ? Quelles mesures allez-vous prendre en la matière ?
Nous vivons une période de défis colossaux qui ne demandent qu’à devenir des opportunités. La crise sanitaire, le changement climatique ou encore la lutte contre l’exclusion en sont des exemples éclatants. A ce titre, l’entrepreneur qui est capable d’inventer le futur, notre futur commun, se trouve à la conjonction du monde d’aujourd’hui et de demain. La France a besoin de leur ambition, de leur créativité et de leur volonté d’agir. Depuis toujours, je défends farouchement l’entreprise comme un vecteur de solutions. Le soutien à l’activité entrepreneuriale sera donc au cœur de ma politique économique. A mes yeux, sa valorisation constitue aujourd’hui un enjeu fort pour au moins deux raisons. Il s’agit tout d’abord d’un sujet d’avenir dans un monde post-covid où la massification de l’usage du numérique, la diffusion des nouvelles organisations du cadre du travail (télétravail, flex office…) ou encore l’attrait renforcé des nouvelles générations pour le modèle entrepreneurial sont des dynamiques fortes et pérennes.
C’est aussi un sujet qui incarne plusieurs valeurs fortes de la droite républicaine que je représente : la nécessité de mieux rémunérer le travail face à l’assistance mais également la liberté cardinale de créer de nouvelles activités et richesses. L’entrepreneuriat représente ainsi un outil d’ascension sociale mais également une faculté, celle de créer sa propre activité économique et son propre emploi.
Les entrepreneurs, plus que quiconque, doivent subir les lourdeurs de la suradministration française qui entrave et décourage l’initiative privée de nos entreprises. C’est pourquoi je souhaite agir à leur bénéfice sur au moins trois axes : simplifier leur vie quotidienne, alléger la pression fiscale à laquelle elles sont soumises et faciliter la transmission. Grâce à ce triptyque très clair, nous répondrons à un triple objectif : les auto-entrepreneurs pourront ainsi plus facilement se lancer, vivre de leur travail et assurer la pérennité de leur activité.
« Je souhaite créer un « Cockpit de la donnée environnementale temps réel », un green datahub »
Pensez-vous que la technologie et l’innovation sont à même de trouver une solution à l’équation climatique ?
C’est une partie de la solution oui, le numérique responsable peut nous aider à atteindre cette objectif 0 carbone. Le numérique, l’innovation sont des leviers de protection de l’environnement. Mais à mesure que tous les secteurs de l’économie s’équipent de solutions numériques, l’empreinte environnemental du numérique explose. Il est donc essentiel qu’en parallèle le secteur du numérique réduise son empreinte environnementale.
Pour cela, il faut davantage de volonté et d’actes. Pour bien agir, il faut bien mesurer, mieux analyser les données environnementales qui sont aujourd’hui trop dispersées. C’est une mine d’or. Or, chacun travaille un peu dans son coin. Je souhaite créer un « Cockpit de la donnée environnementale temps réel », un green datahub, à la fois « PC sécurité de la donnée environnementale » et partie intégrante d’un France Data hub facilitant le croisement des données des services, agences et territoires. Cette mise à disposition de la donnée facilitera le développement de l’IA pour la Greentech et contribuera à la simplification de l’Etat. Je le ferai en lien avec les collectivités territoriales et la société civile, avec toutes ses associations qui collectent chaque jour des données sur l’environnement. C’est là une différence majeure avec le Gouvernement.
Le secteur du Numérique représente 56 milliards d’euros en 2020 mais la part de la GreenTech dans cette économie est malheureusement trop faible alors que nous avons un énorme potentiel en France. L’Etat a un grand rôle à jouer en favorisant la part de la GreenTech dans ses projets numériques : 20% des projets numériques publics pourraient être orientés vers les initiatives GreenTech (télétravail, dématérialisation, passage au Cloud, …). J’encouragerai les entreprises à avoir la même démarche. Elles se sont massivement converties à la responsabilité sociale et environnementale (RSE). J’élargirai la RSE au numérique en soutenant la RSEN (responsabilité sociale et environnementale et numérique). Les entreprises devront publier dans leur rapport annuel, leur dépense numérique dédiée au GreenTech. Ce critère fera partie des critères de sélection dans le cadre des appels d’offre publics
Pour aller plus loin et surtout plus vite, car le monde ne nous attend pas, de nombreuses start-up françaises se sont spécialisées dans la mesure du bilan carbone et le suivi de plan d’action (Greenly, Kabaun, Aktio, …) à destination des entreprises mais le marché reste balbutiant. Il est proposé de créer un fonds d’investissement pour accélérer le développement de la Green Tech. Enfin, j’aurais une attention particulière vis-à-vis de nos TPE/PME en créant un « chèque vert » de 10 000 euros pour accélérer leur transition écologique.
Quelles ambitions pour les entreprises françaises et leur faculté à faire le poids sur la scène économique mondiale ?
Comme vous le savez, je souhaite que l’on retrouve la fierté française et je souhaite que l’on soit fiers de nos entreprises pour les soutenir à l’international. J’ai une très grande ambition pour toutes les entreprises françaises, start-up, ETI, Grands groupes, surtout quand nous voyons le déficit historique de notre balance commerciale (85 milliards).
Nous avons des grands groupes leaders dans la Défense, la cybersécurité, l’aéronautique, la santé, des start-up « anciennes » qui sont des leaders comme Dassault System et des ETI qui irriguent tous les territoires de France et qui jouent un rôle social extrêmement fort. Pour être fort à l’étranger, nous devons être forts et innovants en France et nous devons retrouver l’ambition de créer de nouvelles usines, de nouvelles industries. Nous devons faire le pari de nos Universités et de nos chercheurs pour contribuer à la nouvelle renaissance française. Nous devons aussi simplifier les normes, débureaucratiser et je souhaite m’appuyer sur les entreprises de la Tech pour simplifier tous nos process et services publics.
En matière de médecine du futur, la crise COVID a aussi révélé nos faiblesses, nous devons réinventer de nouvelles alliances innovantes entre grands groupes, recherches, hôpitaux et start-up. Le projet de Sanofi avec Gustave Roussy et l’Université de Saclay est à ce titre un exemple très intéressant pour la future politique de recherche, d’innovation et d’industrialisation que je souhaite mener. Je pense aussi au couloir Seine Hydrogène sur lequel Hervé Morin est aussi très engagé et qui peut nous aider à construire des entreprises puissantes capables d’aller sur les marchés internationaux.
Enfin il nous faut un système financier puissant pour accompagner cette « Renaissance industrielle » française. Nous avons un système bancaire de qualité, nous avons un écosystème fintech France très compétent et très mobilisé à qui nous devons donner tous les moyens de combattre au niveau international. Nous ne pouvons pas passer à côté de la révolution de la blockchain et des cryptomonnaies qui interpelle les pouvoirs publics. C’est à la fois une opportunité et une menace pour les Etats d’être dépossédés de leurs fonctions régaliennes au profit d’entreprises étrangères. Le projet de monnaie du réseau social Facebook, Libra, depuis suspendu, en a été l’exemple le plus visible.
Est-ce possible de concilier patriotisme économique et mondialisation ?
C’est le cœur de mon projet, et c’est ce que font les USA, l’Allemagne, la Chine ; Pourquoi la France ne pourrait pas le faire ?
Depuis 10 ans, les gouvernements ont insuffisamment défendu les intérêts des Français. Lors d’une rencontre avec un chef d’entreprise de la cybersécurité, celui-ci me disait « qu’une tech régulée est une tech qui peut s’exporter », et qu’un « protectionnisme libéral » peut permettre à nos entreprises d’exporter.
En effet avoir des algorithmes auditables, de confiance, respectueux des données, indépendants des supers puissances est un atout commercial. Je crois qu’à côté de la « Tech for money » américaine et la « Tech for control » chinoise, il y a la place pour la « Tech for value » européenne et française. Nous devons conceptualiser la souveraineté, le patriotisme comme un outil de vente à l’internationale. Nous avons une image de pays de régulation, il faut en faire un atout dans ce monde de la tech non régulée.. Mais le patriotisme ça s’entretient, ça se construit, il faut que les élites politiques et administratives défendent leur pays, leurs entreprises. C’est pour cela que je souhaite former tous les cadres de l’Etat à ces enjeux.
Enfin nous devons retrouver un esprit pionnier, nous sommes dans une période incroyable où nous pouvons réinventer notre futur sous réserve d’en maitriser les technologies. Le quantique est un bon exemple de ces technologies qui peuvent rebattre les cartes, bousculer les hiérarchies et nous rendre fiers de notre pays. J’ai très tôt soutenu cette filière de recherche et industrielle et nous avons de belles start-up Qandela, C12, Pasqal qui vient de fusionner avec une start-up néerlandaise et qui peut devenir un leader européen mais aussi des grands groupes comme ATOS ou Thales.
« Je souhaite faire du numérique un ministère à part qui doit irriguer l’ensemble de la politique française »
Comment assurer notre souveraineté économique et technologique face à la Chine, aux Etats-Unis et aux Gafam ?
Le Président de la République a fait du secrétariat au numérique un sous-sujet de l’économie, une sorte de « secrétariat d’Etat à la levée de fonds pour les start-up parisiennes ». Sujet important, mais vision restrictive alors que presque toutes nos infrastructures numériques, publiques et privées, reposent sur des organisations étrangères et hors U.E.
La première mesure c’est d’affirmer le numérique comme un sujet régalien et de souveraineté ce qui n’a jamais été la ligne de conduite du gouvernement. Nous devons en finir avec la naïveté et le renoncement en matière de données publiques. L’hébergement de la Plateforme des données de santé chez Microsoft a été une véritable erreur stratégique tout comme le récent choix d’un acteur étranger pour stocker nos données nucléaires. Je souhaite faire du numérique un ministère à part qui doit irriguer l’ensemble de la politique française, et au service de notre souveraineté. Je veux réarmer notre souveraineté numérique car il n’y a plus de souveraineté économique ou militaire sans souveraineté numérique. L’Etat lui-même doit se réarmer en matière numérique : loi de programmation numérique, certification des directeurs et cadres supérieurs aux enjeux digitaux et de cybersécurité, création d’une Ecole Nationale du Numérique, dont les étudiants rémunérés pendant leurs études ont vocation à travailler 10 ans dans la fonction publique. Je prépare dès à présent une grande Loi Souveraineté et Responsabilité Numérique qui traitera les 4 grands piliers de la souveraineté : les Infrastructures, les Logiciels et algorithmes, les données, la sécurité et une méthode, la co-construction avec tous les acteurs
Je favoriserai les technologies françaises et européennes et l’Etat devra s’appuyer sur les fournisseurs d’un véritable cloud souverain. Nous devons changer de méthode et ces grands plans subventionnés à 10 ans, très bureaucratiques, achetons maintenons à nos éditeurs pour soutenir nos filières. Pour cela, je réformerai la commande publique. Je propose de créer des quotas français/européens en matière de logiciels et d’algorithmes. L’Etat, les collectivités locales et les opérateurs publics doivent montrer l’exemple en achetant 50% de leurs logiciels à des fournisseurs européens. Aujourd’hui les projets d’intelligence artificielle et d’infrastructure de circulation de données ne sont pas centraux dans la stratégie des ministères ni des territoires. Je propose de devenir le pays au monde où le plus de données sont mises à disposition dans un cadre éthique et avec un modèle économique transparent.
Enfin, pour protéger les innovations clés de nos start-up, le Haut conseil de la souveraineté économique et numérique que je créerai aura un mois pour s’opposer a priori et pour des raisons stratégiques au rachat de nos start-up numériques par des acteurs étrangers : oui à l’ouverture, mais pas de naïveté ! Et nous renforçons nos moyens en matière de cybersécurité : j’ai proposé la création d’un Parquet National Cyber pour lutter contre les cyberattaques visant la France et la simplification du signalement des attaques en ligne.
« Je propose que d’ici 2030, les datacenters aient une empreinte neutre ou négative. »
Face à notre dépendance aux matières premières et la chaîne d’approvisionnement mondiale qui nous les acheminent, une relocalisation est-elle possible ? Comment y parvenir
Pourquoi devrait-on se borner à l’approvisionnement en cycle court pour les seuls fruits et légumes ? Quelle écologie économique voudrait que nos talents soient condamnés à émigrer de l’autre côté de l’Atlantique ou en Asie ou à travailler pour les filiales d’exécution européennes de ces acteurs oligopolistiques ?
Il y ceux qui font et ceux qui disent. Je crois que là aussi il est temps de reprendre notre destin en main ! Par exemple, j’ai commandé à la Région Ile-de-France 500.000 PC en 3 ans pour équiper tous les lycéens franciliens, le marché a été gagnée par une ETI francilienne, UNOWHY qui a décidé de construire un nouveau siège intégrant une usine d’assemblage, c’est un début, c’est une étape. Pour relocaliser nous avons besoin d’automatiser davantage nos productions, de gagner la bataille logistique, tout en atteignant nos objectifs environnementaux. Pour résoudre cette équation, nous devons changer de méthode ! Nous devons davantage utiliser la pré-commande publique pour structurer une filière stratégique. Précommander permet d’accélérer et la vitesse est un facteur-clé dans notre économie.
Nous avons su maintenir une industrie de défense sur notre sol parce que nous leur donnons de la visibilité sur nos engagements. Nous devons le faire avec le numérique et en particulier sur la filière des composants électroniques où nous sommes dramatiquement dépendants. Nous pourrions par exemple pré-commander dès 2022 un nouveau supercalculateur avec de nouvelles “mémoires à très haute performance” d’architecture française dont nous aurons besoin pour la simulation nucléaire et cyber. Nous avons tous les acteurs pour le faire : ATOS mais aussi une jeune société française, Sipearl, qui paradoxalement a reçu plus d’argent de l’Europe que de la France pour innover alors qu’il n’existe qu’un seul concurrent américain dans son secteur. C’est un exemple mais au travers de la pré-commande publique nous pouvons préparer le « coup d’après » et nous remettre dans la course en nous appuyant aussi sur le nouveau Chips Act européen.
Cet exemple illustre la difficulté des start-up à vocation industrielle (biotech, santé, robotique, énergie) à transformer leur R&D en projet industriel en France. En cause, la difficulté de trouver des capitaux pour financer une première usine – les start-up sont donc contraintes de sous-traiter la production en France ou à l’étranger ou de vendre le produit de leur R&D à d’autres entreprises.
Les start-up industrielles ont des difficultés à trouver des fonds à tous stades de développement. Au-delà des dernières annonces gouvernementales, il y a urgence à améliorer les financements de prototypage et d’augmenter les tickets d’investissement en capital-développement en particulier pour les levées de fonds au-delà de 100 millions € pour permettre la création de champions français et des licornes industrielles. Donnons-nous l’objectif d’une trentaine de licornes industrielles en 2030 !
Quelle règle devrait-on impérativement instaurer pour réguler les marchés publics ?
Croire qu’en choisissant l’IT étrangère, on fait le choix du moins-disant est souvent faux. Les calculs de ce genre ne tiennent en effet pas compte des coûts cachés ou à venir : coût de la dépendance, impossibilité de s’opposer aux hausses futures des coûts de maintenance, coût du risque géopolitique…je crois que la crise COVID a bien mis en lumières tous ces risques et toutes ces faiblesses qui affaiblissent la résilience économique et politique de la France. C’est pour cela que dans ma loi souveraineté numérique je proposerai de limiter dans les marchés publics le critère prix à 35% de la note pour laisser la place à l’évaluation d’autres critères comme la dimension environnementale.
Je souhaite aussi que les grandes entreprises publient dans leur rapport annuel RSEN la proportion de leur matériel informatique recyclé / recyclable. Ce critère pouvant être intégré dans les critères des appels d’offre publics. Les data centers consomment 7% de l’électricité mondiale. Le Cloud pourrait, d’ici 2025, consommer 20% de l’électricité mondiale et émettre 5% de CO2 selon une récente étude suédoise. Je propose que d’ici 2030, les datacenters aient une empreinte neutre ou négative. L’Etat devra mettre en conformité ses propres datacenter avec ces normes ou basculer vers les fournisseurs de Cloud souverain répondant à ces directives.
L’autre élément à prendre en compte est la protection des données, leur localisation, leur sécurisation avec des acteurs souverains. La cybersécurité devient un critère de sélection des prestataires. Il nous faudra mener des audits cyber réguliers auprès de nos fournisseurs. Enfin je crois qu’il faudra instaurer le principe de réciprocité ; quand les marchés publics étrangers sont fermés aux français ou européens comment accepter ces entreprises étrangères sur nos marchés publics. Nous pourrions aussi nous interroger sur le fait de continuer à accepter des entreprises étrangères qui ont été condamnées par UE.
Est-ce que la théorie du ruissellement est valable selon vous ? Permet-elle plus de croissance et d’innovation ?
Je crois davantage à l’éducation qu’au ruissellement ; plus de croissance et d’innovation c’est d’abord pour moi redresser notre école d’où mon projet de Nation Educative. Il faut aussi réorienter notre outil de formation professionnelle et former davantage de talents, de tous les quartiers de tous les territoires, aux compétences numériques. Toutes les entreprises que je rencontre me disent qu’elles veulent des marchés et des talents. Elles sont freinées dans leur croissance alors qu’en parallèle nous avons un taux de chômage deux fois supérieur à celui de l’Allemagne. Nous devons changer d’échelle et réorienter massivement le système scolaire et de formation professionnelle vers l’acquisition de compétences numériques. J’ai pour objectif de former reconvertir 1 million de talents dont nous avons besoin d’ici 2030 ».
Tout d’abord, je souhaite organiser un test de « potentiel numérique » de tous les élèves de seconde avec les Régions dans le cadre de leur politique d’orientation (test de 4 heures environ). C’est une nouvelle façon d’envisager l’orientation et de favoriser la découverte de ces métiers et du potentiel de chacun. La crise Covid a aussi révélé les faiblesses du système éducatif français en matière de numérique. Elle a aussi mis en évidence le rôle des régions en matière de transformation numérique. Elle a été un formidable laboratoire de nouvelles pratiques tant pour les enseignants que pour les élèves ou les parents. Et pourtant les assises du numérique organisées par Le Ministre Blanquer ont été une immense déception. Les enseignants, les élèves et les parents, et les collectivités qui pourtant financent (100 millions /an en IDF) n’ont pas été associés. Je propose de lancer à, l’été 2022 une plate-forme de co-construction avec tous les acteurs pour tirer un bilan de la crise et de mettre en œuvre des méthodes, des outils de nouvelles idées adaptés aux nouveaux usages éducatifs.
Pour reconvertir 1 million de personnes aux métiers du numérique je propose aussi de m’appuyer sur le Revenu Jeune actif et sur un « bonus numérique CPF » : pour les personnes en reconversion et qui choisissent le numérique je souhaite multiplier par 2 le crédit CPF quand on se forme aux compétences numériques. Il y a une nouvelle alliance à construire entre les régions, l’Etat et les filières.
Je souhaite aussi créer « l’accélérateur de compétences numériques » en lien avec l’Ecole Nationale du Numérique pour reconvertir 50.000 fonctionnaires en 5 ans. Cet accompagnement s’inscrirait dans la démarche de gestion de fin de carrière lié à la pénibilité en permettant à des agents de se reconvertir.
Nous devons changer d’approche : on ne se forme pas dans l’attente de trouver un emploi, mais on doit se former pour réussir maintenant dans l’emploi pourvu. Là encore, il faut raccourcir les délais grâce à des formations plus courtes, beaucoup plus opérationnelles, progressives et basées sur l’avancement de projets réels davantage que de cas pratiques.
Retrouver notre souveraineté numérique prendra du temps, mais cela conditionne toutes nos priorités : indépendance, réindustralisation, révolution climatique, débureaucratisation… C’est pourquoi je souhaite commencer dès mes 100 premiers jours à poser les bases de cette souveraineté numérique. C’est ambitieux mais je suis convaincue que les chercheurs, les entrepreneurs et les citoyens français et européens sont prêts à relever ce défi.
<<< À lire également : La campagne, mot à mot | De qui « régalien » est-il le nom ?>>>
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