En quoi consiste un stage en gestion des conflits ? – Capital.fr

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En cette fin septembre, CSP Docendi, société experte en formation professionnelle, m’invite à assister à un stage de deux jours en gestion des conflits interpersonnels à Paris, dans les locaux d’Elegia. Je suis curieuse de savoir ce que l’on y apprend. D’emblée, la formatrice, Cécile Levasseur, également coach certifiée PNL (programmation neurolinguistique), propose de m’inclure au groupe comme participante. Je me départis avec joie de mon rôle de journaliste, éternelle spectatrice, pour m’intégrer aux autres. Ils sont neuf managers – dont trois à distance –, de maturité professionnelle et d’horizons divers. Certains sont venus à l’initiative de leur employeur pour parfaire leur parcours de manager. D’autres avouent franchement, dès les présentations, s’être trouvés démunis dans des situations tendues et venir chercher des outils pour adopter la bonne attitude. L’une s’est même inscrite dans l’espoir d’apaiser sa relation houleuse avec sa fille adolescente !
En deux jours de stage, nous sommes censés acquérir cinq compétences: analyser le conflit, développer la coopération, gérer les comportements, utiliser le champ des émotions et résoudre le conflit. Cécile nous rassure. Elle ne prétend pas nous faire ingurgiter des méthodes savantes que l’on oubliera dans les jours qui suivent. Elle se propose plutôt de nous faire changer d’attitude. De comprendre qui nous sommes avant d’adapter notre comportement à la personne avec laquelle on est en désaccord. «On ne peut pas changer l’autre mais on peut se changer soi-même», avertit-elle. Nous aurons davantage droit à du développement personnel qu’à de la théorie.
Premier exercice d’introspection : un questionnaire pour évaluer son profil face au conflit. Trois portraits se dessinent : le manager fuyant qui, par peur de déplaire, évite de dire les choses qui fâchent. Le manager dominant, centré sur les intérêts en jeu au détriment de la relation. Le manager constructif, le modèle idéal, qui sait écouter l’autre et défendre ses propres positions. Thomas se reconnaît spontanément dans le deuxième profil. Il raconte avoir recadré sèchement l’un de ses collaborateurs qui, à ses yeux, perdait trop de temps à satisfaire les exigences d’un client au détriment de la prospection et du résultat chiffré. «Derrière un conflit d’objectifs se cache ici un conflit de valeurs, décrypte notre formatrice. Il est essentiel de comprendre le système de valeurs de l’autre.» Pour débloquer la situation, Thomas doit donc s’interroger sur le perfectionnisme de ce collaborateur et redonner du sens aux objectifs qu’il lui propose.
Au long de cette première matinée, nous passons en revue cinq types de conflits – de valeur, d’objectifs, de méthode, de perception et de besoin. A chaque fois apparaît un dénominateur commun : notre propension à juger l’autre, à interpréter ses actes sans prendre le temps de le comprendre ni d’accepter qu’il puisse avoir un avis différent. Cécile nous rappelle que chaque personne agit dans une intention positive pour elle. Quand Stéphane témoigne qu’à l’issue d’un clash, lui et son homologue Alice qui échangeaient une fois par semaine ne se parlent plus, la coach explique : «Ce refus de parler n’est pas dirigé contre toi, Stéphane. C’est juste une façon pour elle de se protéger.»
Hélas, poursuit Cécile, il est faux de penser qu’un accord est possible dans toute situation de conflit. Slides à l’appui, la coach déroule sous nos yeux le modèle d’escalade des conflits développé par le chercheur autrichien Friedrich Glasl. Réparti en neuf marches divisées en trois paliers, de la tension à la destruction mutuelle. Il en ressort que, pour trouver une entente, la seule solution consiste à amorcer une désescalade du conflit jusqu’au palier 1. A nous, les stagiaires, de phosphorer sur un cas pratique. La discorde entre deux cadres nous est présentée sous forme de vidéo. Par groupes de trois, nous devons identifier la nature du conflit, déterminer le stade qu’il a atteint et proposer des solutions pour calmer le jeu. Pas si simple : c’est sur ce troisième item que nous nous rétamons tous ! Une fois de plus, Cécile insiste sur les vertus du questionnement. Les protagonistes qui n’arrivent plus à communiquer doivent être encouragés, pourquoi pas par un tiers, à s’interroger mutuellement : quel est ton besoin ? Ton objectif ? Ta façon de penser ? L’occasion de rappeler les différentes sources d’incompréhension : l’implicite, l’omission, l’impulsivité, les généralisations, les malentendus, les distorsions.
A chacun sa carte du monde. Mon filtre de perception est différent de celui de mon voisin. Pour comprendre le mode de fonctionnement de l’autre, Cécile préconise l’écoute active : empathie (se mettre à la place de l’autre), silence (pour l’écouter), questions ouvertes et reformulation avec les mots de la personne (pour mieux comprendre son schéma mental). Mais il faut aussi se connaître. «Nous sommes responsables d’une partie du comportement de l’autre, prévient Cécile. Prendre conscience de notre impact sur l’autre, c’est déjà un grand pas.» A nous d’accueillir et d’accepter nos propres freins rationnels et émotionnels. La coach nous en distribue 120 sous forme de grille. Elle nous propose d’en entourer au moins 10 qui nous correspondent et d’en biffer autant qui sont éloignés de nous. Thomas s’esclaffe : «En fait, on est en thérapie !» N’empêche, ça nous plaît bien à tous cette introspection. Dans un conflit, nous explique Cécile, nous avons le choix entre cinq postures matérialisées sur une matrice, dite des «positions de vie», où figure en abscisse ma satisfaction et en ordonnée celle de la partie adverse. Par petits groupes, nous listons les avantages et les inconvénients de chaque posture: domination, négociation, retrait, compromis et apaisement. La plus satisfaisante ? La négociation, qui ouvre à la créativité et à la coconstruction de la solution au différend, même si elle s’avère chronophage et exige de mettre entre parenthèses son pouvoir hiérarchique.
Mais que faire quand on ressent un malaise persistant dans une relation ? Cécile nous diffuse un extrait du film Oui, mais…, daté de 2001, dans lequel Gérard Jugnot campe un psy hors du commun. Il y décortique ces jeux inconscients où nous endossons, parfois tour à tour, le rôle de victime, de sauveteur et de persécuteur. «C’est le fameux triangle dramatique de Karpman, source de nombreux conflits», décode la formatrice. Ce scénario répétitif et improductif fait tilt dans la tête d’Elise. Elle prend conscience devant nous à quel point ce collaborateur qui attend tout d’elle l’oblige d’abord à endosser un rôle de sauveuse, puis de persécutrice, avant de la transformer elle-même en victime. Le bon moyen de sortir de ce triangle ? Responsabiliser la personne. Le collaborateur d’Elise doit être acteur de la solution à ses problèmes, quitte à lui donner un coup de pouce. Il faut en tout cas s’interdire de l’assister complètement.
Ultime test, Cécile nous soumet celui de Gordon, destiné à évaluer notre profil comportemental et, surtout, à repérer notre degré d’assertivité, ce vers quoi nous devons tendre : cet équilibre entre respect de soi et des autres qui permet de dire non sans agressivité. Pour y parvenir, la formatrice conclut par la présentation de son outil de prédilection dans la gestion de conflit : le fameux DESC, qui consiste à décrire les faits, exprimer son ressenti, suggérer une solution – mieux, la coconstruire – et conclure positivement pour l’autre, de telle sorte qu’il trouve un intérêt dans cet accord. Cécile nous en fait la démonstration sur le cas de Sylvie en conflit avec son ado. «Convaincant», réagit l’intéressée. Il n’y a plus qu’à mettre en pratique.
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