Coup de pouce du smic et baisses de charges ne sont plus les bons outils pour augmenter les bas salaires – L'Opinion

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Le smic a été automatiquement revalorisé de 1% en janvier 2021 puis de 2,2% en octobre, et une troisième progression devrait intervenir en janvier 2022 en application des règles automatiques. La plupart des candidats à la présidentielle proposent d’augmenter les bas salaires, à gauche par une hausse supplémentaire du smic et à droite par une baisse des charges ou une hausse des primes.
A la question : comment augmenter les salaires ? La France a longtemps répondu : coup de pouce au smic, baisse des charges sur les bas salaires. Ce sont d’ailleurs les propositions respectives des candidats de gauche et de droite à l’élection présidentielle. Mais elles ne sont plus pertinentes, explique le groupe d’expert sur le smic dans son rapport annuel publié lundi.
D’abord parce que, du fait de mécanismes de revalorisation automatique sur l’inflation, le smic aura augmenté de 3,2% en 2021, et progressera sûrement encore en janvier 2022 en fonction de l’inflation de novembre. Sa hausse est supérieure en 2021 à celle du salaire horaire de base des ouvriers et employés (SHBOE) alors qu’elle était systématiquement inférieure depuis le coup de pouce de 2012. De janvier 2021 à octobre 2021, le pouvoir d’achat du smic progresse de 0,1 %, alors que celui du SHBOE baisse de 0,6 %.
Ensuite car le niveau du salaire minimum horaire en France est déjà l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE. La France en a baissé le coût pour les entreprises avec des réductions de cotisations sociales employeurs ciblées sur les bas salaires, et des dispositifs de soutien aux bas revenus, comme la prime d’activité. Or « ces deux types de politiques ont atteint leur limite en 2019 », insiste le groupe d’experts. En effet, « à ce niveau de salaire, les contributions sociales employeur se limitent désormais à la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles ».
Incitations. Désormais, un célibataire sans enfant travaillant à temps plein au smic gagne 80% du revenu net d’un célibataire sans enfant travaillant à temps plein au salaire médian. Pour lui, les gains de la mobilité sociale et salariale se sont beaucoup réduits. « Le rendement de la formation professionnelle apparaît en France particulièrement faible concernant les bas salaires », alertent les experts. D’où l’idée que « le soutien aux bas revenus devra désormais trouver d’autres voies que le renforcement de dispositifs dégressifs avec le revenu », afin de garder des incitations à construire des trajectoires professionnelles ascendantes.
En outre, vu le contexte de sortie de crise et le manque de main-d’œuvre, le groupe d’experts suggère de « prioriser la consolidation des fortes créations d’emploi récentes par rapport aux gains de pouvoir d’achat salarial ». Ils rappellent qu’avant la crise, la situation structurelle de l’économie française « demeurait fragile, avec un chômage encore très élevé et une compétitivité relativement faible dont témoigne un solde commercial continûment négatif depuis 2006 ». Or un coup de pouce supplémentaire au smic, « une facilité intellectuelle, pourrait détruire de l’emploi », souligne Gilbert Cette, professeur à Neoma et président du groupe d’experts sur le smic.
Ce point fait débat parmi les économistes car il existe beaucoup d’études, qui montrent tout et son contraire, sur l’impact des hausses de salaire minimum sur l’emploi. Elles ont été réalisées dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis et en Allemagne, en situation de faible chômage par rapport à la France. « Il serait souhaitable de tester, avec les méthodes empiriques les plus récentes, quels effets sur l’emploi du salaire minimum dominent dans le cas français », dit le groupe d’expert, qui a lancé à cet effet un appel à propositions de recherche.
Choquant. Par ailleurs, le smic n’est pas l’outil le plus efficace pour réduire la pauvreté, dont « les premiers facteurs sont le nombre d’heures travaillées et la dimension de la famille », explique Gilbert Cette. Sur le premier point, il s’agit plutôt de permettre aux personnes qui ne travaillent pas ou ont des périodes de travail hachées dans l’année de travailler davantage, surtout si elles le souhaitent. Sur le deuxième point, il existe des outils dédiés à la lutte contre la pauvreté, comme les minima sociaux et la prime d’activité, bien plus efficaces que le smic car plus ciblés, par exemple sur une mère célibataire plutôt qu’une personne touchant le smic mais vivant avec un conjoint ayant un salaire élevé.
Enfin, les hausses de smic liées au retour de l’inflation font resurgir le problème français du manque de négociations salariales réactives dans les branches professionnelles. On compte désormais un nombre record de branches dont les minima salariaux sont en dessous du smic : 37 sur 171 dans le secteur général, 10 dans le bâtiment et les travaux publics, 29 dans la métallurgie. Dans ces cas-là, les salariés dont le salaire est théoriquement sous le smic sont payés au niveau de ce dernier, mais le minimum de branche, lui, reste en dessous. Toute la grille des salaires est donc tirée vers le bas, ce qui augmente la masse salariale éligible aux exonérations de cotisations (entre 1 et 1,6 smic). « Il est profondément choquant que les entreprises y gagnent quand les branches professionnelles ont des minima inférieurs au smic », s’indigne Gilbert Cette.
Or tous les syndicats, sauf la CFDT, prônent un coup de pouce au smic. « En France, sur ces questions salariales et de pouvoir d’achat, on se tourne spontanément vers l’Etat, déplore l’économiste. C’est aux partenaires sociaux de discuter des minima de branche, selon l’activité, la pénibilité, et l’attractivité des postes… Dans les autres pays, c’est tout à fait naturel, et c’est normal ».

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