Compte personnel de formation : ces Bretons bousculés par les nouvelles règles – Le Télégramme

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Installé chez lui, dans son espace de travail, à La Chapelle-Neuve (56), Andrew Smith (dont la petite entreprise se nomme English Why Not) a du mal à cacher son stress. Le quinquagénaire propose des formations individuelles ou de groupe depuis onze ans. Travailleur indépendant, il s’est spécialisé dans l’anglais des affaires. Précisément le genre de propositions prisées par les salariés de grands groupes, comme B Engineering et Keolis, à Rennes, ou CGI, à Larmor-Plage (56), dans le cadre de leur temps de formation continue.
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Sauf que depuis deux mois, Andrew Smith a bien du mal à caler de nouvelles dates sur son planning. « Les trois programmes de certification Level Tel, Pipplet et Linguaskill, avec lesquels j’enseignais, ont été retoqués début janvier 2022 par France compétences, le nouvel organisme régulateur chargé par le gouvernement de l’encadrement et du contrôle du nouveau CPF (compte personnel de formation). »
Une mauvaise surprise, pour lui qui avait réalisé toutes les mises à jour réglementaires obligatoires. « Du DIF au CIF, du CIF à la base de données Datadock, de Datadock au CPF, j’ai gravi un obstacle après l’autre depuis cinq ans », résume le quinquagénaire. Dernière difficulté en date : l’obtention du label Qualiopi, obligatoire depuis le 1er janvier 2022 pour proposer des sessions éligibles au CPF. « Cela m’a pris 15 jours de travail en 2021 pour préparer l’audit, qui m’a coûté 1 500 euros, et qui sera à refaire dans deux ans. »
Si le formateur comprend le besoin de « clarifier et éviter des tas d’abus », il estime être pénalisé à tort. « France compétences répond que l’on peut faire appel à d’autres certificateurs, comme TOEIC. Renseignements pris, TOEIC n’accepte pas de nouveaux partenaires. La situation paraît ridicule. Moi, je joue mon avenir. » Dans l’intervalle, Andrew Smith a alerté la députée Nicole Le Peih, qui a fait le lien avec Paris. « Nous n’avions encore jamais été sollicités sur ce sujet. France compétences nous a répondu que, concernant les certificateurs en langues vivantes, plusieurs des dossiers refusés étaient en cours de réexamen depuis janvier », indique la parlementaire, « suivant de près », le cas d’Andrew Smith.
À Quimper, le responsable d’AéroNautic Formation, Raphaël Kerdréac’h, travaille, lui aussi?, « avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête », dit-il. Sa petite entreprise, affiliée à la Fédération professionnelle du drone civil, a été créée en 2019. Avec la crise de la covid et le passage à Qualiopi et au CPF, l’ancien guetteur dans la Marine, âgé de 38 ans, n’a encore jamais réussi à se dégager un salaire.
« Le système encadre certes mieux l’offre pour les salariés, mais ça devient une usine à gaz, qui pénalise les structures individuelles comme la mienne. L’audit obligatoire me coûtera aussi cher, que je forme une personne au drone ou 6 000 ! Il y a encore davantage de paperasse, et c’est du temps que je ne consacre pas au contenu. Tout me pousse à faire du volume pour rentabiliser. » Pour lui, l’objectif de l’État est clair : « Il s’agit de recentrer l’offre sur les grands centres de formation ».
Dans un courriel transmis le 13 février 2022 à la députée du Morbihan Nicole Le Peih, le directeur de la certification professionnelle chez France Compétences, Mikaël Charbit explique que la restriction du nombre de certifications s’inscrit dans la réforme de la formation professionnelle, entamée en 2018. « Depuis le 1er janvier 2019, les nouvelles demandes d’enregistrement au répertoire spécifique (RS) doivent répondre à de nouveaux critères. Toute une partie de l’offre inscrite au RS avant 2019, qui disposait d’une durée de validité de deux ans (prolongée d’un an avec la crise sanitaire), n’avait jamais été réinterrogée pour répondre aux nouveaux enjeux de qualité de la réforme. »
C’est donc le cas des certifications en langues étrangères, qui ont été réexaminées en 2021, « dans un délai moyen de trois mois ». « Elles ont connu un taux de renouvellement faible, du fait d’une dimension professionnelle pas toujours dominante ou d’un contrôle qualité des organismes insuffisant », reconnaît Mickaël Charbit.
Le directeur indique cependant qu’il ne s’agit que d’une première étape de régulation, « dans la mesure où un certain nombre de dossiers refusés seront redéposés après avoir été retravaillés par les organismes certificateurs. Des dossiers de refus d’enregistrement sont d’ailleurs à nouveau examinés par la commission depuis le mois de janvier ». Interrogé sur les nouveaux délais et le nombre d’entreprises de formation bretonnes concernées, Mikaël Charbit n’a pas donné suite à nos sollicitations. Mais dans un nouveau mail à la députée, le 2 mars, il indique que Linguaskill (l’un des certificateurs proposés par Andrew Smith) est finalement de nouveau validé.
Créée le 1er janvier 2019, par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, France compétences a pour mission d’assurer le financement, la régulation et l’amélioration du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage. L’enjeu financier de ce contrôle était important dit-elle : « Les certifications soumises au renouvellement représentaient 1,2 milliard d’euros de mobilisations des fonds du CPF en 2021 ».
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