Le supérieur privé : un potentiel inépuisable pour les investisseurs ? – L'Etudiant Educpros

0 Comments

Mars 2020. À l’heure où la planète était sur le point de se confiner, Galileo Global Education, maison mère de Paris School of Business (PSB), de Penninghen ou du Cours Florent, bouclait une transaction historique en accueillant deux nouveaux investisseurs à son capital. Quelques mois plus tard, AD Education changeait de mains au profit du fonds d’investissement Ardian, tandis que l’investisseur Capza devenait actionnaire du groupe Ynov (spécialisé dans les métiers du numérique) en janvier 2021.
De quoi permettre à ces groupes d’écoles privés de voir venir les prochaines années sans se soucier des conséquences de la crise sanitaire et économique ! « Si la finance a longtemps boudé le secteur, elle s’intéresse aux écoles privées françaises depuis le milieu des années 2010. Leur appétit est toutefois devenu dévorant il y a quatre-cinq ans et aujourd’hui, malgré le contexte, le marché est encore très florissant », confirme Martine Depas, partenaire à la Financière de Courcelles.
I. Huault (emlyon) : « La logique de rentabilité s’impose à toutes les business schools »
Il faut dire que le secteur, particulièrement résilient durant la crise, a de nombreux atouts pour convaincre : un modèle économique attractif, une trésorerie confortable du fait des droits de scolarité payés en avance, une prédictibilité à trois-cinq ans, des ménages prêts à investir encore plus dans l’éducation de leurs enfants pour leur assurer un avenir professionnel…
Sans compter l’attrait de ce segment auprès des étudiants qui sont aujourd’hui un sur cinq (source : Xerfi-Précepta) à opter pour des études dans le supérieur privé. « Autrefois, n’allaient dans le privé que des gens qui n’étaient pas admis dans le public, mais le mouvement s’est clairement inversé depuis quelques années du fait des défaillances de l’institution publique. Rien d’étonnant à ce que les financiers y voient là l’occasion de prendre de nouvelles parts de marché sur le public », prédit Martine Depas.
Pour un petit nombre d’écoles, pour qui la question de la survie se pose, l’entrée de ces partenaires privés dans leur capital est providentielle. Particulièrement pour les écoles consulaires qui, pour se maintenir à flot depuis l’amenuisement de leurs ressources par les chambres de commerce (CCI), doivent trouver d’autres sources de financement.

Première du top 5 à avoir cédé aux sirènes du capital Investment en juin 2019, emlyon assume ce choix : « La transformation juridique interroge légitimement l’articulation entre rentabilité et maintien de la qualité académique. C’est un point sur lequel j’ai été vigilante à mon arrivée à la tête de l’école. Mais la valorisation d’une école comme emlyon provient surtout de sa marque, et sa marque, c’est sa qualité académique. Si cette dernière se dégrade, alors la valeur de l’école également. C’est en ce sens que les intérêts des investisseurs financiers et ceux de l’école sont alignés », justifie Isabelle Huault, sa directrice générale.
Même si les fonds s’engagent à respecter l’excellence académique, le maître-mot reste toutefois la prudence. Les investisseurs en ont conscience et s’efforcent de montrer patte blanche. « Qualium, qui détient 19,8% de notre capital, n’impose pas de coupes budgétaires mais se positionne en soutien de notre développement. Dans le pacte d’actionnaires, il est d’ailleurs écrit explicitement que l’ouverture du capital suppose le maintien des accréditations et du positionnement de l’école dans les classements nationaux et internationaux », tranche Isabelle Huault.
À chacun son domaine de compétences, c’est donc là le message essentiel à retenir. La crainte d’une marchandisation de l’enseignement supérieur au détriment de la qualité pédagogique se serait-elle définitivement envolée ? « Il a pu y avoir quelques dérives par le passé, mais aujourd’hui aucune école n’a basculé du côté sombre de la force, concède Laurent Champaney, président de la CGE (conférence des Grandes écoles). Nous restons toutefois vigilants sur la capacité des écoles à maintenir leur activité de recherche, peu lucrative aux yeux des investisseurs. »
Reste que ces derniers continuent d’ouvrir leur portefeuille pour développer les écoles. Et ce, via deux relais de croissance principaux : une stratégie de conquête externe et l’innovation. Entre autres (nombreux) exemples, Talis Education a ainsi fait l’acquisition de Akor Alternance en 2016. Le groupe d’enseignement supérieur privé EDH, quant à lui, a pris le contrôle successivement du réseau des écoles Aries, de l’école Brassart ou encore, plus récemment, de l’école de communication et de design espagnole Cesine et de l’institut Cread. Pour sa part, emlyon a préféré investir en interne pour moderniser les systèmes d’information et créer de nouveaux postes d’enseignants-chercheurs, mais n’écarte pas l’éventualité d’une croissance externe. « Quand il y aura un beau projet d’acquisition, on débloquera de nouveaux fonds », prévient sa directrice générale.
EESC : un statut qui doit encore convaincre
La source paraît d’autant plus intarissable que le risque de ces opérations est quasi nul. « Il y a très, très peu de deals qui échouent, et aucun lorsque les groupes privés du sup sont revendus entre fonds, confirme Martine Depas. C’est clairement le dernier truc qui s’écroulera s’il y a une crise économique. » Pas de crainte non plus que le nombre d’opérations diminue. Entre les groupes d’écoles qui passent de main en main tous les cinq ans et les écoles indépendantes qui restent à conquérir, les cibles potentielles ne manquent pas.
Dans une étude publiée en mars 2021 pour le cabinet Xerfi-Précepta, Thomas Roux pronostique ainsi que les financiers pourraient désormais jeter leur dévolu sur « les ESC de province fragilisées par la crise et la chute des recettes issues de la taxe d’apprentissage, les écoles privées indépendantes au budget structurellement limité ou encore les groupes privés familiaux comme Ionis et IGS ».
Autre piste sérieuse : la formation continue. Un choix légitimé par une évolution sociétale bien réelle. « À l’avenir, on va certainement faire des études moins longues mais on se formera plus souvent. Il faut donc que les groupes de l’enseignement supérieur privé se mettent en position de former les gens tout au long de leur vie, conclut Martine Depas. Et ça les financiers l’ont déjà anticipé puisqu’en ce moment toutes les opérations sur lesquelles nous travaillons concernent la formation professionnelle. »
S’engager pour sa communauté éducative (2/2)
A propos d’un appel à contributions de la revue Diversité
2022 Voeux
Directeur général d'AgroParisTech
Soyez informés de l’actualité de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Abonnez-vous gratuitement
Le premier site gratuit d’actualité et de services dédié aux professionnels de l’éducation et de l’enseignement supérieur.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related Posts